Providence et son regard qui m’attend

J’avais dit ‘plus jamais’

Ou au moins ‘pas maintenant’

Et elle a mis sa tête dans ma main,

Sa plainte dans ma tête,

J’ai quitté le refuge avec elle.

C’était il y a plus de 3 ans.

Providence, c’est son nom,

C’est ainsi qu’elle m’a été présentée.

Boule noire aux taches blanches,

Pupilles constamment dilatées.

On pourrait croire qu’elle ne voit quasi pas,

Et pourtant, elle a toujours un temps d’avance.

A cause de la lumière qui l’éblouit, elle vit tête baissée.

Mais quand je m’approche d’elle, son regard anticipe.

Elle sait,

Elle sait que c’est pour elle que je viens,

Elle sait où je vais me poser, m’assoir,

Et avant même que je n’arrive,

Son regard m’a déjà invitée.

Trois ans.

A s’apprivoiser.

Autrefois battue et abandonnée, elle avait peur de tout,

Elle a toujours peur de tout d’ailleurs.

Les feuilles qui bougent trop vite dans les arbres,

Les ombres et le soleil,

Les bruits, les oiseaux dans le jardin…

Elle avait peur de ma main au tout début,

Mes caresses comme des menaces,

Souvenir de mauvaises passes,

De méchanceté passée.

Providence, c’est devenu des sourires quotidiens

Une réjouissance pour mes yeux,

Des progrès, petit à petit,

Des rires, de la joie…

Providence a 15 ans,

Depuis quelques jours elle ne va pas bien

Et moi, j’ai du chagrin.

Tellement.

Demain, un rendez-vous effrayant,

J’espère revenir avec elle,

J’espère tant.

Ce soir j’ai envie de raconter son regard,

Qui me touche tant depuis trois ans,

Ce regard qui précède

Suit

Invite,

M’attend.

Son regard que j’aime tant…

Bonne nuit ma Belle, reste s’il te plait.

Reviens demain.

Hier soir j’avais dix ans

J’avais dix ans quand elle commença à filtrer sous la porte de la chambre de mes frères. Filtrer est un euphémisme pour parler de cette tempête de sons et de mots qui se déversait soudain.

Le temps passa, et j’aimais toujours ce son-là. Je découvrais un autre monde, des textes avec du sens, du sens avec des rêves, un univers en lévitation, une plann’attitude. Et le plaisir de chanter à tue-tête des mots goutés, appréciés, et connus à force d’être entendus.

Hier soir, je suis allée à un concert du groupe ANGE. Un groupe qui a marqué mon adolescence, et que j’avais oublié par la suite. J’avais pris mon billet en mode demi-teinte, en couleur ‘pourquoi pas ?’. Tant d’eau avait coulé sous le pont de mes amours musicales que je n’étais pas sure d’apprécier encore. Munie de mon billet vieux de 18 mois, devenu quasi collector donc, pour ce concert maintes fois repoussé par un fichu virus, je suis retournée dans l’antre de ma jeunesse, et j’ai pris un vrai souffle de bonheur en plein face, une bourrasque de plaisir, un tourbillon de souvenirs, du sourire jusqu’aux oreilles… Aucune nostalgie de cette période, juste de la joie à réentendre cela et à me laisser embarquer…

 

Si vous voulez en écouter un peu…

 

APicADay – Bingo à la carafe et au verre d’eau

Je lui ai dit ‘Allonge-toi là près du verre d’eau et de la carafe pour que je puisse prendre une photo, genre ‘belle composition ». Il l’a fait, ce chat extraordinaire.

En fait, non, il était là, n’avait pas le droit de s’étaler sur la table mais ne s’en privait guère.

Alors j’ai fait le job, clic clac pour garder des preuves de ses méfaits…

Mais c’était quant même un chat extraordinaire, oui !

Bingo – 2002 – 2020

 

Hey, dis-moi le Chat…

Bingo 2002 – 2020 Royal de Gouttière, inspirateur de mots…

Je voudrais savoir, le Chat…

Où tu vas quand tu pars le soir, dans la nuit glacée,

Délaissant ainsi cheminée, coussins, câlins, canapés…

À quoi occupes-tu ces longues heures d’absence ?

Sur quelles nouvelles toitures te mènent tes errances ?

C’est quoi la froidure et la chaleur pour toi ?

Est-ce qu’elles ne te font ni chaud ni froid ?

*

Dis-moi, le Chat…

D’où sors-tu que c’est moi qui fais l’ondée ?

Celle que tu me reproches, miaulements courroucés.

Je ne fais ni la pluie ni le beau temps, voyons !

Je n’ai pas le pouvoir d’orchestrer les saisons.

Ça fait quoi, l’eau qui tombe sur tes poils de soie ?

Pourquoi tu passes autant de temps dessous, parfois ?

*

Explique-moi, le Chat …

À quoi tu penses quand, perché sur le muret,

Silhouette sur fond de lune, tête légèrement penchée,

tu zieutes vers le ciel ce que je ne sais voir.

À quelle constellation racontes-tu des histoires ?

Fais-tu la cour aux étoiles du Poisson ?

Ou bien observes-tu le vol d’un papillon ?

*

Raconte-moi, le Chat …

Comment tu fais pour monter tes jouets à l’étage ?

J’aimerais bien voir ta tête, je souris à l’image.

Est-ce que ton esprit prête vie aux souris toc,

Que chaque nuit, dans la salle de bain, tu emportes ?

Dans quelles batailles furieuses retournes-tu les tapis ?

Es-tu toujours vainqueur de ces luttes sans merci ?

*

Avoue-moi, le Chat …

Comment tu me perçois, moi, soucieuse de ta liberté,

Que tu observes parfois, à travers la surface vitrée,

Moi enfermée, et toi dehors, libre et léger comme l’air

Suis-je comme un poisson dans un bocal en verre ?

Une drôle de bestiole aux gestes étonnants ?

Allez, dis-moi, suis-je un spectacle réjouissant ?

*

J’aimerais comprendre, le Chat…

Ce que je suis pour toi.

Je ne suis pas ton ‘maître’, non,

Les chats n’en ont pas,

Suis-je un animal utile,

Auquel tu tiens compagnie ?

Ou bien suis-je ton tendre chaton ?

*

Je te vois, le Chat…

Tu me regardes, de tes grands yeux curieux,

Tu me comprends peut-être, ou pas, ou juste un peu.

Mais il est clair que, de toute façon,

Tu ne répondras pas à toutes mes questions,

Parce qu’on le sait, si les chats pouvaient parler…

ils ne parleraient pas !

 

(Pour la version audio, cliquez sur le mot, ici )

 

Ce texte a été initialement publié en 2014, et très légèrement modifié aujourd’hui. J’ai eu envie de le republier en hommage à ce cher chat qui a fait un joli bout de chemin avec moi. 18 ans, c’est pas rien…) 

La Bise

Elle était de toutes les fêtes,

En famille, entre amis.

Dans les bars,

les guinguettes

les discothèques,

Elle était au boulot aussi.

Alors comment vivre sans elle… ?

Elle était partout,

Et puis, elle est partie…

Nul ne le sait où,

Depuis des jours,

des semaines,

des mois,

plus d’un an déjà…

Est-ce qu’elle reviendra ?

On n’en sait rien,

Tout dépendra de la conjoncture.

Pourtant c’est notre culture !

Comment faire sans elle ?

Il semble que les voisins y parviennent,

Les gens des autres terres,

Et des pays lointains.

Certains mêmes nous taquinent

Pour ce trait très particulier,

Qu’on échange sans façon,

En toute intimité,

Par deux, par trois, par quatre,

En commençant par la joue gauche ou bien la droite.

De l’eau au moulin des Anglais,

Qui pouffent déjà de nos baguettes, bérets, bidets,

Un ‘b’ de plus, qu’on se le dise,

Et c’est le ‘b’ du mot Bise !

Mais nous ?

Nous, on l’a toujours connue,

On ne sait pas quand elle est apparue,

Dans des temps immémoriaux, c’est sûr.

Jean de la Fontaine la mentionne déjà,

Dans une de ses fables illustres,

Intitulée « La Cigale et la Fourmi. »

Quand il écrit :

« La Cigale ayant chanté tout l’été,

Se trouva fort dépourvue,

Quand la bise fut venue. »

Il parle bien de notre bise !

Et si d’aucuns prétendent qu’il s’agit d’autre chose,

Laissez-les mouliner leurs paroles dans le vent.

On sait bien, nous, qu’il parle de la petite chose rose,

Qu’on pose ça et là sur les joues des ami(e)s

Des parents, et des collègues aussi.

La bise, première victime du Covid,

Se remettra-t-elle de la crise ?

J’en sais rien,

En attendant, il faut trouver un moyen différent

Pour dire le bon jour,

Autrement…

Namasté !

APicADay – Providence au Jardin

Providence au Jardin

Je gère mal mes cartes mémoire,

Elles sont pleines d’elle,

Puisque j’ai passé mon soir

à trier les photos-prunelle

il me semble naturel

que ce soit elle qui soit

la PicADay du jour.

D’autant qu’elle est ici au jardin,

et non scotchée sur son canapé,

ce qui me permet d’attester

qu’elle a bien 4 pattes,

Et qu’elle n’est pas une chenille de sofa.

J’espère qu’un jour cette petite terrorisée

deviendra un chat-papillon

et qu’elle saura profiter

de ce que la vie a encore à lui donner…

Vous parler de Providence

Il y a longtemps déjà que je veux vous parler d’elle. J’aurais dû le faire plus tôt, les mots auraient été autres.

 

Providence

Providence est entrée dans ma vie le 23 janvier 2021. Elle est entrée par une petite porte que je ne me croyais pas prête à ouvrir et qui, pourtant, s’est ouverte comme par enchantement. Parce que c’est ainsi. Providence est une jolie Minette, avec une robe noire et blanche, de drôles de tâches ici et là, un pelage de velours, et de magnifiques vibrisses. Je ne sais pas de quelle couleur sont ses yeux, car je n’ai jamais vu ses iris. Juste parfois un cercle autour de la pupille hyper dilatée, cercle d’or, ou de jade, selon le moment.

 

Providence

Petit flashback…

Le 17 janvier de cette année, ma jolie, si jolie et si affectueuse Biscotte mettait les voiles pour un voyage vers des cieux dont on ne revient pas. Biscotte était à la maison depuis le 21 aout 2020, nous n’avions donc passé que quelques mois ensemble. Elle avait 18 ans, avait atterri au refuge de la SHPA avec son copain Cookie, un superbe Red Tabby de 12 ans, suite au décès de leur humain. Ni l’un ni l’autre ne s’y adaptaient, alors les deux ont intégré ma maison ‘de retraite’. Nous avons eu ensemble quelques semaines heureuses.

Jusqu’à ce que Cookie ne devienne très malade et ne s’éteigne le 7 novembre 2020. J’adorais Cookie.

Mon souhait d’offrir une ‘maison de retraite’ à de vieux chats était installé dans mon esprit depuis de nombreuses années, s’était endormi, puis s’est réveillé lorsque mon beau Bingo, mon Royal de Gouttière, est passé de l’autre côté du monde, le 30 juillet 2020.

Bingo, mon beau Bingo

Bingo avait, lui aussi, 18 ans. Mais ces dix-huit années-là, nous les avions passées ensemble. Bingo, je l’avais trouvé alors qu’il était tout petit, dans le jardin de mes parents, au lendemain des obsèques de mon père. Étrange rencontre en un étrange jour, je sais que mon père aurait adopté ce chaton, je l’ai donc adopté. Après toutes ces années, je n’osais imaginer la vie sans lui, j’ai été brutalement rappelée à la réalité.

Et puis, il y avait eu Flamie aussi, Princesse Myrtille, ma belle Marquise à la robe bleue. Flamie était la Minette chérie de mon frère. Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux et, en 2017, avant de rejoindre l’autre monde lui aussi, il me l’avait confiée, sachant que je prendrais bien soin d’elle. Elle avait douze ans. Bingo n’était pas très content de son arrivée mais nous lui avons fait une place, et j’ai eu du bonheur à partager plus de deux années avec elle. Elle était mon cher trait d’union avec mon cher frère. Mais elle est partie le rejoindre, le 11 octobre 2019, âgée alors de 14 ans.

 

Flamie Princesse

11 octobre 2019, Flamie,

30 juillet 2020, Bingo

07 novembre 2020, Cookie,

17 janvier 2021, Biscotte,

En 15 mois, mon cœur a été brisé 4 fois et mon esprit bien malmené.

Alors, évidemment, lorsque, à l’occasion d’un passage par les bureaux de la SHPA, on m’a parlé de Providence, j’ai dit non. Non, je n’étais pas prête, non c’était trop tôt. Non, j’avais trop souffert…

Et pourtant, je suis allée la voir dans la chatterie, elle était dans sa cage, s’est jetée sur ma main pour y chercher des caresses. Et je suis repartie avec elle le soir même.

Biscotte me manquait encore cruellement, elle me manque toujours, comme Cookie, Bingo et Flamie me manquent aussi. Mais Providence a mis des touches de joie sur mon chagrin. Et elle a pris une place énorme dans ma vie.

Lui dire bonjour, l’inonder de caresses, de bisous, de tendresse, c’est la première chose que je fais le matin. Glisser ma main dans le velours de ses poils me fait du bien, me réconforte, m’apporte des sourires. Lui chantonner des petits airs à l’oreille, lui dire combien je l’aime… sa présence est précieuse.

Mais.

Mais aujourd’hui, en début d’après-midi, Providence a montré des signes de défaillances de l’arrière-train, elle ne marche plus bien, tombe sur le côté. Elle, abandonnée deux fois et devenue peureuse, ne demandait jamais rien, mais aujourd’hui elle n’a pas cessé de demander à sortir dans mon minuscule jardin.

Pour s’y cacher, et il fait froid, et il pleut, et je pense que ça n’est pas une bonne chose. Je l’ai laissé sortir, mais ne la laisse pas longtemps dehors. Tout à l’heure, elle était couchée sur la petite tombe de Biscotte. Et ça m’a rendue triste.

 

J’aurais dû vous parler de Providence avant, j’aurais eu d’autres mots.

Demain elle verra le vétérinaire.

Ces signes de dysfonctionnement moteur ressemblent lugubrement à ceux qui ont emporté Cookie en novembre.

Alors ce soir j’ai très peur…

 

*          *

*

 

De tous mes chats, Bingo est celui qui m’a inspiré le plus de mots et de photos. C’est aussi celui avec qui j’ai vécu le plus longtemps, ceci explique cela. Voici quelques-unes de nos publications, à lui et moi.

https://laplumedemouette.wordpress.com/2014/06/27/sil-te-plait-dis-moi-le-chat/

https://laplumedemouette.wordpress.com/2020/05/05/bingo-royal-de-gouttiere/

https://laplumedemouette.wordpress.com/2020/07/17/au-magasin/

https://laplumedemouette.wordpress.com/2018/04/10/palabres-en-noir-et-blanc/

https://laplumedemouette.wordpress.com/2017/03/30/mon-loubard/

https://laplumedemouette.wordpress.com/2015/02/21/petit-dictionnaire-chat-a-lusage-des-humains/

https://laplumedemouette.wordpress.com/2014/11/11/les-affres-de-lamour/

https://laplumedemouette.wordpress.com/2019/01/23/coussins-velours/

De Bingo il y a aussi plein de photos…

 

Sur Flamie,

https://laplumedemouette.wordpress.com/2020/02/02/flamie-dans-les-etoiles/

https://laplumedemouette.wordpress.com/2018/12/29/flamie-princesse-myrtille-marquise-de-petits-pas/

Et sur Biscotte

https://laplumedemouette.wordpress.com/2021/01/14/apicaday-biscotte/

 

Pas de publications sur Cookie, tout est allé si vite, et si tristement. Un jour j’écrirai la place qu’il avait et la béance qu’il a laissée…

 

 

 

 

 

Flamie Jolie

 

Bingo Royal de Gouttière

 

APicADay – Biscotte

Biscotte, ma perle, ma pépite. Arrivée en aout dernier avec son frérot parti il y a peu sur la piste aux étoiles, elle est dans sa 19ème année. Je leur souhaitais à tous deux une retraite douce et chaleureuse dans mes bras et dans ma maison, mais Cookie est parti peu après, et Biscotte est en mauvaise santé en ce moment… J’avais à coeur de lui faire une place ici… Juste quelques mois de vie ensemble, mais elle m’a mise dans sa poche et m’a complètement fait craquer…

APicADay – NOrchidéEL

Il y a quelque chose d’indécent, il me semble, dans la fleur de l’orchidée.

Une indécence que j’aime, et qui me fait sourire.

La photo ayant été prise hier, le 23 décembre donc,

c’est elle qui me parait appropriée pour vous souhaiter ce qui vous plait,

ce qui vous fait plaisir à vous,

en ce Noël étrange, si singulier

(et j’aimerais autant qu’il ne devienne pas pluriel, précisément ! )

Ce que la photo ne montre pas,

c’est que des fleurs, il y en a 11, oui onze !

Onze sur la même hampe.

Abondance sur l’orchidée,

Alors je me prends à espérer une abondance d’amour, de bonté, de joie et de lumière

pour éclairer le monde,

le monde entier.

Prenez soin de vous, soyez heureux…

My Absolute Darling

My Absolute Darling

De Gabriel Tallent

Éditions Gallmeister, 465 pages,

Publié en 2017, traduit en 2018

 

« Parfois, la force n’est pas la même chose que le courage. Parfois, partir n’est pas la seule façon de s’échapper. Parfois, survivre n’est pas suffisant. »

Elle, c’est Julia, Julia Alveston, enfin non, Turtle Alveston, c’est ainsi qu’on la surnomme, c’est ainsi qu’elle veut qu’on l’appelle. Son père, lui, l’appelle parfois Croquette.

Turtle, 14 ans, manie les armes comme d’autres ados surfent sur des téléphones ou des tablettes. Elle aime que la sienne, un Sig Sauer soit propre et en parfait état de fonctionnement. Elle le démonte et le remonte régulièrement, avec maîtrise, pour le nettoyer. Turtle connaît les armes donc, et les arbres, les plantes, les rochers où il fait bon marcher et pêcher à main nue, les piscines naturelles où les pieds s’enfoncent dans la vase, les chemins de traverse, les forêts, les bois, les insectes, les oiseaux… Turtle marche pieds nus, ne craint aucun terrain. Elle sait allumer un feu sans allumette ni briquet, construire un abri de fortune quand le ciel vire à l’orage…

Turtle, c’est comme un kit de survie sur pieds. Une gamine à la fois farouche et créative.

Elle est libre, Turtle ?

Non, en fait, elle ne l’est pas du tout.

Elle est sous une terrible emprise, la plus terrible qui soit, où l’amour s’en mêle, s’emmêle, et brouille les esprits. Julia-Turtle-Croquette vit sous le joug de son père, une sorte de hippie fumeur de joints, buveur de bière, lettré, un brin philosophe, et carrément démerdard, sans emploi et en marge de la société. Il élève sa fille à la dure, n’a de cesse de la mettre à l’épreuve, l’insultant à tout va (connasse, poufiasse, petite pute…). Sans cesser, pourtant, de lui déclarer son amour. Un amour particulier puisque, régulièrement, le soir, il va la chercher dans sa chambre pour la mettre dans son lit. Martin, Marty, est un père brutal, dévastateur, abusif, manipulateur, mais charismatique. Et Turtle l’aime. Elle l’aime comme une fille aime son père, et elle lui pardonne tout, excuse tout, croit tout ce qu’il lui dit. Ou presque. Parce qu’elle grandit, Turtle, et elle se pose des questions.

Turtle a 14 ans donc, quand commence le roman. De ce duo vénéneux, elle ne peut pas s’extraire. Pas seule. L’attention d’une prof qu’elle déteste mais qui ne la déteste pas. Un jeune homme fasciné par la jeune fille, par sa connaissance ‘de terrain’, sa puissance (puissance qu’elle-même semble ignorer), son caractère et son tempérament. Une enfant de 10 ans, Cayenne, ramenée on ne sait ni comment ni d’où par Martin, une gamine désorientée, malmenée par la vie aussi. Autant de rencontres pour une autre voie, un autre amour.

Turtle ne pourra se défaire de l’emprise de son père que d’une seule façon, une seule et terrible façon. Elle paiera cher le prix pour sauver son âme et trouver un chemin vers la dignité. L’enfant brisée par le poids du père – et mise à mal par le système scolaire parviendra-t-elle à mettre des couleurs dans sa vie, à faire pousser de belles et bonnes choses au potager de son coeur, et à enfin se trouver, ou se retrouver…?

 

Il y a dans ce roman comme un peu du Wisconsin de Mary Relindes Ellis, de Délivrance (film de John Boorman, tiré du roman de James Dickey), et quelque chose de Tarantino…

 

Au magasin

Je regarde, j’examine, je lis les étiquettes. Nez en l’air, bras itou, je fouille les étagères du haut, en quête d’autres pistes, d’autres trésors. Ce n’est pas simple de choisir, je ne suis jamais certaine que ça va faire plaisir. Ce n’est pas faute d’essayer, faute d’y mettre du cœur mais, même quand on croit connaître les gouts, on peut faire des erreurs.

Et des erreurs, j’en fais.

Il faut dire que les gouts changent au fil des années, des mois, des jours… voire des heures. Il faut dire aussi qu’il est un peu capricieux.

Alors les actes les plus simples tournent parfois au casse-tête, et moi j’en perds la mienne, de tête…

Un pas sur le coté, je continue l’exploration, et soudain mes mains frissonnent d’émotion. Je viens de tomber en admiration devant le bleu clair d’une belle boite en carton recyclé et recyclable. Voilà, c’est ça que je cherchais, cette marque-là, mais j’ignorais l’existence de ces coffrets dégustation. Six portions, trois saveurs, cela fera surement son bonheur. La liste des ingrédients affiche des produits sains et un bel équilibre, une éthique honorable, un commerce équitable, un souci du prochain.

Je suis si heureuse que je ne prends pas une boite, mais deux.

Et c’est les mains pleines, le pied et le cœur légers que, de quelques entrechats, je quitte le rayon des aliments pour chats…

Avec ce regard-là, je ne résiste pas…

Là aussi, je suis démunie…

Que voulez-vous que j’y fasse ? Je cède…

Si la photo est moche, la scène, elle, est jolie, Bingo boit dans ma main

(Eh bien, finalement, ces petites bouchées qu’il a tant aimées, il ne les aime plus, plus trop… )