Le Havre – Troyes, 3 heures et 50 minutes pour 369,5 km via les autoroutes A13 et A5, me disait la carte routière.
8 heures et 34 minutes d’après les indications de mon GPS resté malencontreusement en mode ‘sans péage’ et ‘sans voie rapide’. Réglages effectués alors pour profiter du paysage et découvrir la Vallée de la Durdent par les petites routes de campagne et faire d’un déplacement professionnel une promenade bucolique.
C’était il y a 6 mois. Le GPS n’avait pas servi depuis…
Si partir le samedi 9 juillet pouvait sembler moyennement judicieux, puisque c’était un samedi de départ en vacances, un jour à bouchons et à bison pas futé, mon GPS n’en fut nullement affecté.
Aucun embouteillage sur la D1, ni la D4, ni sur aucune autre route en DCalage. A peine vu quelques vaches entre deux villages et autant de zones à 30 km / heure.
Des champs,
Des champs,
Des champs…
Oh, but your land is beautiful.
Parmi ces champs, de larges étendues jaune soleil, jaune tournesol. Cela faisait longtemps que mon regard ne s’était pas empli de ce jaune-là, et cela m’avait manqué. Et là, des tournesols plein les mirettes, plein les kilomètres. J’imagine que c’est une bonne nouvelle pour qui consomme l’huile qu’on en extrait, la cuvée 2022 devrait être bientôt disponible. Pas vu de champs de moutarde, sur ce sujet je ne saurais me prononcer.
Quoi qu’il en soit, partie en milieu d’après-midi, je suis arrivée à bon port avec un diner de retard et quelques heures aussi…
En me fiant à ce GPS, c’est le Cheval de Troyes que j’ai embarqué dans mon véhicule…
La gardienne de ce temple n’avait pas envie de céder. Eh bien, elle allait entreprendre autre chose de plus radical comme les mots doux n’avaient point les effets escomptés.
Aussi, elle se transforma en une torche vivante tel un bûcher venu des fonds des âges et qui avait déridé d’un seul coup le bourgeois au visage de l’effroi.
On aurait pu s’attendre à ce que le béotien prenne ses jambes à son cou telle une comète à la chevelure de feu dessinant dans un ciel d’été une future apocalypse pour les terriens superstitieux jusqu’à la moelle des os surtout ceux du fémur.
Il n’en était rien. Planté comme une statue dans le cimetière du Père-Lachaise, la barbe fleurie, le bras gauche levé vers la porte enflammée et le bras droit désignant le fleuve à portée de main, la bouche ouverte vers le néant d’une voix qui s’était réfugiée bien loin dans le fond du gosier, il ne tentait aucune résistance à son sort scellé par son entêtement.
La Porte reconnaissait que l’homme avait du courage en posant comme un ancien sémaphore du rail, ce qui l’avait refroidi un tantinet sur le bord du chambranle.
Mais, il fallait en finir. Alors, par un effet dont la magie elle-même ne comprenait pas ce tour, la Porte avança vers ce têtu bipède pour le rôtir de son impertinence et l’emporter très loin dans les méandres d’un enfer dont le nom était tabou si ce n’est que personne n’était revenue pour le chanter voire le dire ou bien l’écrire tout simplement pour informer le commun des mortels.
Ainsi la Porte et le Bourgeois ne faisaient qu’un dans les flammes…
(texte de Max-Louis/Iotop)
(Merci beaucoup à Max-Louis – Iotop pour ce partage d’écriture, j’ai aimé faire ce ‘porte à porte’ à quatre mains)
La Porte grinça par une inflexion à peine perceptible à l’encadrement et souffla par quelques-uns de ses interstices déployés par les armées de décennies telles des rides qui s’envisagent comme un ciel d’automne prêt à fondre sur le paysage ingénu qui n’attend pourtant que le fouet bienfaiteur qui commande les saisons.
— Dites-moi, le Bourgeois, vous m’avez tutoyée sur le bord de ma traverse, présentement ?
— Je vous tutoyâtes, là, présentement ?
— Ne faites point l’innocent qui voit son mauvais visage pour la première fois dans une flaque d’eau de printemps qui n’a de source que de vous rendre votre vraie nature.
— Alors, cela m’échappâtes par excès de confiance…
— Pour me séduire ? m’envoûter ? me charmer ? me troubler ? me captiver ? m’enchanter ? me dominer ? me conquérir ?…
— Au vrai, ce tutoiement est une audace incontrôlée, une méchante position à l’emballement de mon désir de franchir votre seuil, de tenir ma promesse d’être présent à ma réunion secrète parmi mes pairs…
— Des complotistes dans mes murs ?
— Est-ce ma raison qui chavire ou bien la tentation de vous séduire… j’en suis à ce genou à terre pour pardon et les yeux de honte sur les pavés auxquels des histoires bien horribles ont été contés…
— Conté ? Je vous parle de fromage, moi ?
— M’enfin ! Ouvrez-moi !!!
— Votre injonction est déplacée et tenez-vous en bourgeois responsable de ses actes.
Quand un auguste personnage bouscule le Bourgeois qui ployait à genoux son désarroi…
Charme désuet des vieilles enseignes, odeurs de poussière et de bois sec, le temps passe, inexorablement, qui éteint les couleurs, et laisse partout sa trace…
C’est un pont sur l’Arno, un vieux pont, comme une rue bordée de boutiques, grouillante et bruyante du levant au couchant. Autrefois le fleuve était rouge du sang versé par les bouchers qui travaillaient là, dans leurs minuscules échoppes. Aujourd’hui, c’est d’or que le fleuve est teinté, les bijoutiers ont pris la relève, les bijoux s’étalent en vitrine.