La terre était prête alors

C’était la fin du printemps, un temps de promesses que l’été allait faire fleurir.

L’herbe était encore verte, et la terre bien grasse, tout pouvait arriver.

Il est arrivé un soleil rageur, rouge de colère, qui a tout brûlé.

Et de toutes ces belles promesses de récoltes à engranger,

il a fait un feu de paille.

Les greniers en pleurent encore…

 

 

Hier soir j’avais dix ans

J’avais dix ans quand elle commença à filtrer sous la porte de la chambre de mes frères. Filtrer est un euphémisme pour parler de cette tempête de sons et de mots qui se déversait soudain.

Le temps passa, et j’aimais toujours ce son-là. Je découvrais un autre monde, des textes avec du sens, du sens avec des rêves, un univers en lévitation, une plann’attitude. Et le plaisir de chanter à tue-tête des mots goutés, appréciés, et connus à force d’être entendus.

Hier soir, je suis allée à un concert du groupe ANGE. Un groupe qui a marqué mon adolescence, et que j’avais oublié par la suite. J’avais pris mon billet en mode demi-teinte, en couleur ‘pourquoi pas ?’. Tant d’eau avait coulé sous le pont de mes amours musicales que je n’étais pas sure d’apprécier encore. Munie de mon billet vieux de 18 mois, devenu quasi collector donc, pour ce concert maintes fois repoussé par un fichu virus, je suis retournée dans l’antre de ma jeunesse, et j’ai pris un vrai souffle de bonheur en plein face, une bourrasque de plaisir, un tourbillon de souvenirs, du sourire jusqu’aux oreilles… Aucune nostalgie de cette période, juste de la joie à réentendre cela et à me laisser embarquer…

 

Si vous voulez en écouter un peu…

 

APicADay – En vitesse

Encore une photo prise dans la voiture, tandis que le paysage défile.

Quelques insectes sur la vitre, mais bientôt les insectes auront quasi disparu

et seront un luxe,

alors ne boudons pas notre plaisir d’en avoir et d’en voir,

encore.

Le ciel semble menaçant, mais il semble seulement.

Il fait les gros yeux, voudrait faire peur aux téméraires du dehors,

mais aucune goutte n’est tombée.

Il a juste étalé des nuages pour cacher le bleu de ses yeux.

 

Je n’aime pas la route, alors toujours je regarde ailleurs…

(sauf si c’est moi qui conduis, bien sur ! ) 

APicADay – Passer sous le Gros-Horloge

Après le brouhaha de la journée, la vie s’éteint un peu tandis que les lumières s’allument.

L’arche du Gros-Horloge offre un cadre aux ruelles dont les pavés sont dorés de néons et de pluie.

La cathédrale au loin éclaire ses tourelles. Ici, ça sent l’averse qui s’éloigne un peu, la pierre mouillée, et la tiédeur du jour passé.

Rouen se déambule bien la nuit…

APicADay – Comme un souvenir…

C’est comme un souvenir en noir et blanc,

comme la mémoire d’un autre temps,

comme un monde qui n’est plus,

des croyances disparues.

C’est comme un autre monde,

une vieille carte postale

retrouvée dans une boite en métal

avec des mots de gens que l’on ne connait pas,

le noir et blanc, c’est parfois un peu tout ça,

parfois.

Là, c’était l’année dernière, et c’est Sées, toujours.

Comme quoi, les choses ne sont pas toujours ce que l’on croit…

APicADay – Déplacement de regard

Au pastel du ciel et au coton des nuageons répond le vert métallique de la mer

le vent fait claquer les mâts et l’écho répond en cliquetis qui se répètent à l’envie

la lumière argentée purifie l’atmosphère et fait vibrer les couleurs.

Embrasser la ville de la digue, c’est déplacer le regard

et s’imaginer être, le temps d’un temps, debout sur le pont d’un bateau

déjà au large, déjà en partance…

 

 

La Bise

Elle était de toutes les fêtes,

En famille, entre amis.

Dans les bars,

les guinguettes

les discothèques,

Elle était au boulot aussi.

Alors comment vivre sans elle… ?

Elle était partout,

Et puis, elle est partie…

Nul ne le sait où,

Depuis des jours,

des semaines,

des mois,

plus d’un an déjà…

Est-ce qu’elle reviendra ?

On n’en sait rien,

Tout dépendra de la conjoncture.

Pourtant c’est notre culture !

Comment faire sans elle ?

Il semble que les voisins y parviennent,

Les gens des autres terres,

Et des pays lointains.

Certains mêmes nous taquinent

Pour ce trait très particulier,

Qu’on échange sans façon,

En toute intimité,

Par deux, par trois, par quatre,

En commençant par la joue gauche ou bien la droite.

De l’eau au moulin des Anglais,

Qui pouffent déjà de nos baguettes, bérets, bidets,

Un ‘b’ de plus, qu’on se le dise,

Et c’est le ‘b’ du mot Bise !

Mais nous ?

Nous, on l’a toujours connue,

On ne sait pas quand elle est apparue,

Dans des temps immémoriaux, c’est sûr.

Jean de la Fontaine la mentionne déjà,

Dans une de ses fables illustres,

Intitulée « La Cigale et la Fourmi. »

Quand il écrit :

« La Cigale ayant chanté tout l’été,

Se trouva fort dépourvue,

Quand la bise fut venue. »

Il parle bien de notre bise !

Et si d’aucuns prétendent qu’il s’agit d’autre chose,

Laissez-les mouliner leurs paroles dans le vent.

On sait bien, nous, qu’il parle de la petite chose rose,

Qu’on pose ça et là sur les joues des ami(e)s

Des parents, et des collègues aussi.

La bise, première victime du Covid,

Se remettra-t-elle de la crise ?

J’en sais rien,

En attendant, il faut trouver un moyen différent

Pour dire le bon jour,

Autrement…

Namasté !

APicADay – Grille et Mystère

Ruines à Sées (Orne)

Combien de voix ont chuchoté entre ses pierres

et combien de secrets échangés ?

Combien de serments prononcés ?

Combien de prières

et de mystères

derrière les grilles,

emprisonnés

depuis si longtemps que

le vent, l’eau, et la terre,

ont fait rouillé les barreaux

et que la verdure

s’est lovée en les murs… ?

APicADay – Lignes à Musée

Musée André Malraux, aussi appelé MuMa

Ça fait des mois, presqu’une éternité,

que mes pieds n’ont pas foulé le sol de ce musée.

Combien d’expos prévues et qui n’ont pas eu lieu ?

Combien de battements de cils sans beauté absorbée ?

Il me tarde de me remplir à nouveau les yeux,

de me laisser aller à nouveau à rêver

au fil des déambulations,

il me tarde de revoir ce lieu plein de lumière,

de mystères,

et de merveilleux…

 

 

APicADay – Eau du Lavoir

Lavoir à Honfleur

Aux eaux tranquilles du lavoir, point de Narcisse à la surface, seule la lumière s’y reflète.

Tête appuyée sur un pilier, yeux fermés, on peut entendre encore le clapotis du linge que l’on y rinçait autrefois et les bavardages aux couleurs des nouvelles du village.

Le temps ici s’est arrêté, pour prendre son temps, laisser les mots partir au vent et les draps sécher au passage…