Petit Dictionnaire Chat à l’Usage des Humains Version 2017

“La théologie joue avec la vérité comme un chat avec une souris.” (Paul Valery)

“La théologie joue avec la vérité comme un chat avec une souris.” (Paul Valery)

 

Appartement / maison : lieu dont vous êtes locataire ou propriétaire, mais dont le chat bénéficie de l’usufruit, sans aucune forme de contribution financière. Il est à noter que la clause qui oblige l’usufruitier à conserver le bien en l’état, sans aucune destruction, ne s’applique pas avec les chats.

 

Canapé, deux ou trois places : trône de chat au singulier, souvent un peu étroit. Éventuellement aussi salle de réunion du chat avec lui-même, prend alors le nom de « salle du Chat Pitre » sur le modèle des Abbayes, ou ‘salle capitulaire’ où l’humain capitule parce qu’il n’a pas, lui, voix au chapitre.

 

Croquette / pâtée : dîme et gabelle versées dans la gamelle du Shah. La première pour la vénération due au Seigneur depuis que les Égyptiens ont déifié la bête sous le nom de Bastet ; la seconde pour le sel que le saigneur met dans la vie de l’humain. Pas d’impôt sur les cactus des griffes qui piquent, ni sur le chant qui pique les oreilles, c’est une chance.

 

Épaule, nue ou couverte : perchoir pour chat permettant à son regard toute la condescendance qui sied à son statut, tout en lui offrant un point de vue plus large sur l’étendue de son territoire. Sert aussi de reliquaire pour poils perdus, incrustés entre les mailles ad vitam eternam.

 

Lit : surface rectangulaire matelassée dont le centre est réservé au roi, que le lit soit ‘king size’ ou pas, et dont les bords sont réservés à la plèbe dont l’humain fait partie. Se rapproche des notions de ‘Haute Cour’ et ‘Basse Cour’ dans les forteresses miaoudiévales.

 

Miaulement : langue de chat sans beurre ni calories, donc parfaite pour la ligne, en particulier la ligne de conduite de l’humain ainsi régi. Bien que s’exprimant avec des sons différents des langues traditionnelles, elle est aisément compréhensible, facilitée par un apprentissage sur le mode ‘stimulus / réflexe’ et la répétition systématique.

 

Pantalon / bas / collant : griffoir douillet pour chat, douillet dans les deux sens du terme, confortable pour l’un, douloureusement ressenti pour l’autre. Qu’il soit griffé « grande marque » ou pas, il finit toujours marqué de griffes et a, par conséquent, une durée de vie et de présentabilité restreinte et une obsolescence programmée.

 

Rentir : verbe d’origine féline, composer du Français ‘rentrer’ et ‘sortir’ il est employé pour parler de l’hésitation dans la prise de décision au moment fatidique où le portier humain pose la question.

 

Ronronnement : gratification momentanée à l’égard de la main et de l’humain pour récompenser les bons et loyaux services. S’exprime sous la forme de bruits de moteur bien huilé. Sa durée limitée en fait sa préciosité.

 

Sommeil : période de réflexion intensive de sa majesté, activité très accaparante puisqu’elle peut durer 22 à 23 heures par jour. S’accompagne parfois de petits sursauts lorsqu’une idée fulgurante traverse l’esprit du chat.

 

Sortrer : autre verbe d’origine féline et de même composition que Rentir (voir plus haut) utilisé dans la situation inverse de la décision non prise du verbe précédent. Je sais, c’est compliqué, mais c’est ainsi que c’est, et cela prend du temps.

 

Traitement, soins : moment de contrariété intense et l’espace devient un ring où s’affrontent le chat et l’humain dans un combat inégal, l’humain n’ayant que des mains quand le chat a des griffes.

 

Visite chez le vétérinaire / rappel de vaccination : contrôle technique annuel du cha(r)t d’assaut pour s’assurer que la bestiole fonctionne bien et pourra continuer à assurer son règne tyrannique.

 

N.B. Les mots  ‘maître’, ‘remerciement’, ‘travail’, ont été définitivement exclus du dictionnaire achadémique pour cause de non-pertinence. 

 

 

Pour écouter la version audio du précédent dico, c’est ici (la mise à jour sera faite quand l’enregistrement le sera aussi) :

http://audioblog.arteradio.com/blog/3047008/la_plume_de_mouette/

 

 

StalactiMite

stalactimite-couleur

Elle arriva avec la neige,

Resta accrochée au bois,

La bête.

On l’observa de plus près,

Il brillait de mille feux,

L’insecte

stalactimite-ok-new-bw

L’inconscient, le malheureux,

Fils de l’eau et du froid,

Mourut d’un coup de soleil,

C’est bête…

 

(Les Fagnes, Belgique 2016. Ceci est une stalactite que j’ai un peu ‘bricolée’)

Une palette et Saint Ex

La journée avait été belle,

La lumière tirait sur le soir, et un manteau de nuage s’apprêtait à recouvrir le jour, pour le protéger de la froidure de la nuit.

Devant la grande fenêtre, le chevalet était placé, et l’artiste entrait dans la danse, un pinceau pour cavalier, et pour piste une toile blanche.

Le Jaune était posé.

Fier de son importance, brillant de tous ses feux, il habitait le support dans toute sa longueur, et sur une belle hauteur. On ne voyait que lui ! À vrai dire, il n’y avait que lui. Il finit d’ailleurs par s’ennuyer un peu, les secondes s’étiraient en minutes.

Il vit, néanmoins, d’un mauvais œil, le pinceau s’approcher, d’un Violet sombre chargé.

Quoi !! On n’allait tout de même pas le faire cohabiter avec cette couleur infâme, impure, née de deux couleurs étrangères ! Pas question ! Le Jaune est une couleur primaire, parfaitement, primaire ! Primaire égale première, principale, primordiale, supérieure, ainsi l’avaient décrété toutes les couleurs primaires. On ne mélange pas les serviettes avec les torchons, les primaires avec les secondaires, faut pas exagérer !

Le Jaune n’eut guère le choix, il n’était pas maître de la situation. Derrière le Violet, le pinceau. Au bout du pinceau, la main. Et dans la main, la volonté. Volonté d’essayer de marier les couleurs, de bien les associer.

Malheur ! Le Violet s’étalait en une couche immonde, qui se juxtaposait au Jaune, semblait le chapeauter, lui fixer ses limites. L’hostilité grondait chez le Jaune, qui mesurait son impuissance, et subissait les coups de pinceau intempestifs sans rébellion possible. Son territoire se réduisait à vue d’œil, et il se sentait menacé d’un mélange impropre qui le réduirait à une masse brune dans le Violet du soir. Couleur devenue inexistante, dénaturée, dépouillée de ses droits, anéantie….

Les yeux pleins d’une colère ardente, il leva son regard vers le Violet pour le défier. Chez l’ennemi, il ne vit aucune animosité, aucune exaspération, c’était un nuage sans tempête. En l’observant un peu mieux, il constata la douceur de la couverture, le moelleux du l’épaisseur. Et puis… finalement, ce Violet le mettait lui, le Jaune, en valeur, en soulignant son éclat. Le Jaune se trouva soudain plus beau, et en sécurité sous cet édredon douillet.

Échange de bons procédés. Après tout, au contact du Jaune, le Violet s’éclairait et gagnait une autre intensité.

Ce Violet, au final, n’était pas bien méchant, il pouvait même s’avérer un allié.

Le pinceau revenait à la charge, cette fois-ci d’Orange chargé. Le Jaune se fit chatouiller le ventre, et puis le bout du nez, et l’Orange vint s’installer en sa demeure. C’était une couleur à la fois familière et étrangère, avec laquelle le Jaune était en cousinage, même si l’Orange avait aussi un peu de sang rouge. Le Jaune était donc en terrain plus connu qu’avec le Violet, et c’est avec chaleur qu’il accueillit l’Orange. Il demandait des nouvelles de la famille éloignée, et tous les pigments jaunes s’empressèrent de lui répondre. Qui se ressemble s’assemble, et c’est avec le Violet au sang rouge que les pigments rouges, eux, s’entretenaient.

Le Jaune réalisa alors qu’il était, par alliance, parent du Violet Il en fut décontenancé, et son animosité initiale se mua en curiosité, et puis en bienveillance.

L’ennui s’était enfui, chacun trouvait sa place, et magnifiait les autres. Nul n’était supérieur, nul n’était plus beau. Et si le Violet était une couleur secondaire, elle était, surtout, une couleur complémentaire. Et solidaire.

Pour couronner l’affaire et éclaircir la composition, la main et le pinceau permirent au Jaune de faire une excursion, dans le Violet clair presque bleu, au-dessus du nuage. Alors le Jaune, en touches, s’élança dans une partie de cache-cache sous des voiles de tulle blanc. Le ciel en résonna de joie.

À présent, les couleurs sont tranquilles, et le soir se referme, comme se referme la palette qui rêve de Saint Exupéry…

« Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente ».

 

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