D’ici ou d’ailleurs

Couché là, tu dors,

À ton chevet, des fleurs,

Et le blanc de la stèle,

Et le vert du gazon,

Et toutes ces croix,

Signes de multiplications

Nés de la division.

Vous êtes tant ici,

Tant de corps étendus

Dans ce dortoir immense

Où le sommeil dure

Toute une éternité.

.

Dans le champ à coté,

Les blés furent fauchés,

Comme le furent vos vies.

Et la plaine souffre

Balayée par ces vents,

Qui aspirèrent vos souffles,

Pour les expirer là,

En soupirs lancinants.

Autant de plaintes muettes

Qui crèvent le silence

En résonnant sans trêve

Dans nos cœurs et nos têtes.

.

Et la peine. La peine

Pour cette vie trop courte

Et ce chagrin trop grand

Car ni le frère ni le fils

N’ont eu assez de temps

Pour tracer leur chemin

En choisir les couleurs

Épouser un bonheur,

Et saisir une chance.

Tant de destins broyés

Un jour pourri,

Un jour pour rien.

.

Pour quelques armes à vendre,

Des egos à défendre,

On déclenche des conflits

Dévaste des pays

Parce qu’on veut faire savoir

Qui a la plus grosse

Et qui pisse le plus loin.

Tant de sang versé froidement

Par des hommes calfeutrés

Dans des bureaux blindés

Loin du front, des batailles,

Et de l’effroi qui tenaille.

(à tous ces soldats qui périssent, loin de chez eux, héros bien malgré eux…)

Six heures, c’est l’heure !

Six heures, c’est l’heure,

L’heure de faire mes vocalises,

D’enchanter la demeure.

Ma voix couvre un spectre de 93 octaves,

C’est beaucoup,

Bien plus que le pithécanthrope ne peut en percevoir,

Son oreille manque de la finesse nécessaire.

Qu’importe,

Il entend ce qu’il peut, et c’est déjà pas mal.

Six heures, c’est l’heure parfaite,

Pour passer le rouleau-compresseur sur le silence de la nuit,

Ecraser le calme de la maison,

Et remettre un peu de vie dedans.

Sortir les clampins du sommeil n’est pas une sinécure

Je dois parfois monter à l’étage,

Investir le palier,

Me poster à la porte de la chambre,

Et chanter. Chanter encore…

 

Six heures, c’est l’heure idéale

Pour prendre mon petit-déjeuner,

Et me faire ouvrir la baie vitrée

Je veux faire un clin d’œil au soleil,

Et sortir me désaltérer.

C’est que j’ai très faim

Et que mon ventre gargouille,

Alors si personne ne l’entend,

Je ne vocalise plus, je tonitrue.

Six heures, c’est l’heure limite

Pour mettre la journée en route,

Pousser mes esclaves à l’action,

Un œil ouvert, l’autre fermé,

Et la bouche entrebâillée

En train de bailler.

Et s’ils font vite,

A 6h30, moi je peux me recoucher !

Je m’appelle Providence,

Je suis une sirène à larmes,

Une sirène d’alarme,

Une dame chat,

De race tyrannosaurus

J’ai 14 ans dont 3 dans cette famille.

Et j’ai dans les cordes vocales

Un arsenal de persuasion

Ici c’est moi qui commande !

 

P.s. pithécanthrope :

  1. (Paléontologie)(Vieilli) Homme de java. Sous-espèce d’Homo erectus décrite à partir des fossiles découverts à Java.
  2. (Injurieux)Insulte désignant un individu peu cultivé, grossier dans ses manières.

Entretemps… Brusquement… Et ensuite…

Entre-temps, les fils s’étaient emmêlés dans sa gorge, formant nœuds et boules qui entravaient la parole et la respiration.

Brusquement, sur le point de suffoquer, elle avait pu prendre une grande inspiration et la pelote avait éclaté. L’air pouvait à nouveau circuler. La parole aussi.

Et ensuite vinrent les mots dits sur les non-dits. En retrouvant sa voix elle avait aussi retrouvé la voie de sa liberté.