Tijuana, le fleuve et ses méandres, ses terres et son estuaire…
Zone de passage entre le Mexique et les États-Unis pour des candidats à l’immigration clandestine, zone dangereuse où les vagues renversent leurs embarcations fragiles et audacieuses.
Zone où le trafic de drogue pratiqué à grande échelle gangrène l’état de droit, au profit de mafieux qui sévissent sans vergogne.
Zone de pollution extrême due aux rejets industriels d’origine douteuse, et aux petits arrangements avec la légalité.
Extraordinaire spot de surf aussi pour qui veut se frotter aux vagues gigantesques que les fortes houles parfois amènent.
C’est dans cet environnement rugueux et difficile que vit Sam Fahey, anti-héros par excellence. Et à y trainer sa carcasse, il a fini par en prendre les couleurs.
Celles sombres et crasses de la drogue et des prisons, de la boue liée à la pollution, de l’aide à l’immigration qui tourne mal, d’une enfance sans mère et sans amour, mais avec un père alcoolique, brutal ou, au mieux, inexistant.
Mais aussi les couleurs de l’océan, dont ce surfeur hors pair apprivoise les barres comme personne, ou presque. Il a connu ses heures de gloire lorsque, dansant sur les crêtes d’écume, il ressemblait à un oiseau et devenait ainsi Sam La Mouette Fahey.
Et puis les couleurs fanées du temps qui passe et décolore les cheveux, fait pâlir les photos, anéantit les rêves, piétine les désirs et les aspirations, et laisse aussi mourir les vagues…
Aujourd’hui, il a posé le bric-à-brac de sa vie sur le terrain hérité de son père, s’est lancé dans la culture des vers de terre, et continue, à l’occasion, de confectionner des planches de surf pour son plaisir. Il préfère habiter un mobil-home déglingué, posé là, plutôt que la maison de son père où trainent encore les fantômes du passé. Et il dort toutes lumières allumées.
Vie de misère, plutôt moche et monotone. Jusqu’à la rencontre avec Magdalena, jeune mexicaine, activiste et idéaliste…
J’ai plongé dans ce livre et dans les eaux sombres du Tijuana, happée par la narration, touchée par le personnage de Sam, intriguée par ce coin du monde.
Happée vraiment, au point de prolonger le voyage en regardant un film (Tijuana Bible) pour mieux perçu l’atmosphère des lieux, et de faire des recherches sur la toile pour en apprendre davantage, et pouvoir épouser un peu les méandres du fleuve, les contours de la baie de San Diego, en observant les îles Coronado.
Parce que ce roman m’a vraiment embarquée.
Tijuana Straits, de Kem Nunn. 381 pages pour l’édition 10/18