Au fil de l’eau, de l’onde amère

Dis-moi 10 mots. Cette année, c’était au fil de l’eau que nous invitait le Ministère de la Culture. Un défi d’écriture et 10 mots à caser. Tout ça, c’était il y a longtemps, c’était au temps ‘d’avant’, d’avant que le temps et le reste ne nous échappent et que l’on ait à tout réinventer… 

Cette année, j’ai participé. J’ai envoyé deux textes, un léger (publication précédente), l’autre  beaucoup moins (publié ici). Et j’ai appris hier que ce texte-ci avait été sélectionné et avait obtenu le premier prix de la catégorie adulte  à la bibliothèque de ma ville. 

Les 10 mots à utiliser : aquarelle (nom) à vau-l’eau (adv.) engloutir (v.) fluide (adj.) mangrove (nom) oasis (nom) ondée (nom) plouf (interj.) ruisseler (v.) spitant (adj.)

Et mon 2è texte, celui qui dit mieux je crois  : 

 

Ils cherchaient un endroit pour les accueillir, un morceau de terre comme une oasis, un lieu pour poser le fardeau de leur vie et en faire une chance. Ils ont pris la mer dans des bateaux amochés, trop chargés, ou trop petits, c’est selon… Ils en ont essuyé, des ondées, des orages, des vagues, des déferlements ramenant à la petitesse de l’humain face aux éléments. Leur malheur devenu fluide, liquide, ruisselait de partout. Quand le ciel était noir de nuages, quand la nuit enveloppait les nues, la mer, et les humains, dans un même drap obscur, les seules étoiles visibles étaient celles qui brillaient dans les yeux des enfants, des femmes, et des hommes qui y croyaient encore. Des étoiles en forme de lueurs d’espoir.

Jusqu’à la vague de trop, l’averse de trop, et le moment fatal où tout part à vau-l’eau et où les êtres glissent vers les profondeurs marines qui les engloutissent froidement. Et quand les ‘plouf’, les ‘splash’, les pleurs et les cris finissent par se taire, c’est que le grand drap obscur est devenu linceul.

 

 

À celles et ceux qui ont tenté leur chance mais à qui la chance n’a pas tendu la main…

Au fil de l’eau, de l’onde légère

Dis-moi 10 mots. Cette année, c’était au fil de l’eau que nous invitait le Ministère de la Culture. Un défi d’écriture et 10 mots à caser. Tout ça, c’était il y a longtemps, c’était au temps ‘d’avant’, d’avant que le temps et le reste ne nous échappent et que l’on ait à tout réinventer… 

Cette année, j’ai participé. J’ai envoyé deux textes, un léger (ici proposé), l’autre  beaucoup moins (je le publierai demain). L’un des deux a été sélectionné mais je n’ai jamais su lequel, la remise des prix ayant été annulée pour cause de… eh bien… vous savez de quoi je parle… 

Les 10 mots à utiliser : aquarelle (nom) à vau-l’eau (adv.) engloutir (v.) fluide (adj.) mangrove (nom) oasis (nom) ondée (nom) plouf (interj.) ruisseler (v.) spitant (adj.)

Et ma proposition : 

Comment explorer la mangrove ? L’affaire n’est pas simple, le terrain est hostile, tout de vase et de boue, prêt à engloutir les pieds, les chevilles, voire les genoux. Regagner le radeau semble chose raisonnable, d’autant que le ciel vire au noir et qu’ici l’ondée tourne vite à l’orage. Dimoâ et Dimô, nos spitants personnages, reprennent la route de l’estuaire tout en dansant le jerk. Au moment où ils atteignent leur fragile embarcation, le ciel se déchire et des trombes d’eau s’abattent sur le bateau de fortune. Le fluide céleste ruissèle et lèche les rondins de bois, use les cordes d’assemblage, comme s’il voulait libérer l’ensemble et le rendre à la nature. L’aventure, c’est clair, va à vau-l’eau. Inondés, nos deux explorateurs disparaissent dans un grand ‘plouf’ avant de…

Avant de…?

Eh bien on ne le sait pas vraiment. On dit qu’ils ont rejoint une île au beau milieu de l’estuaire, une île comme une belle oasis, où ils se la coulent douce. Dimoâ, inspiré par toute cette eau, se serait mis à l’aquarelle. Quant à ce que fait Dimô, on n’en sait rien, à son propos l’histoire ne dit mot…

La Mémoire des Embruns

La Mémoire des Embruns, roman de Karen Viggers

17421 km, c’est la distance qui sépare la ville où j’habite de l’Île de Bruny, en Tasmanie. 17421 km que j’ai parcourus régulièrement ces derniers jours, en quatre parties, 39 chapitres, et 570 pages.

Je n’avais pas lu si gros roman depuis un moment, me suis lancée dans la lecture au hasard d’une pioche dans ma bibliothèque, me suis vite demandé si c’était judicieux d’entamer autant de pages en un moment aussi trouble que celui du confinement et de son déconfinement associé, mais le mal était fait, j’avais commencé à lire l’ouvrage. Et quand je commence un livre, soit je le termine, soit je l’abandonne définitivement. Si je l’abandonne, c’est que le livre me barbe, mais c’est rare. Car même s’il me barbe, j’aime bien en être sure sure sure, et je ne le sais qu’en allant jusqu’au bout.

Il n’y avait aucune raison que j’abandonne celui-ci.

Je ne saurais dire si ‘La Mémoire des Embruns’ est un grand ou un bon roman. Je n’ai jamais su estimer cela, ou peut-être ne me le suis-je jamais permis, tant cette notion est subjective. Mais je sais que je m’y suis glissée, jour après jour, timidement au début, et puis avec une impatience grandissant au fil du temps. Si l’intrigue est assez ‘convenue’ et sans grande surprise, le déroulement des événements, la narration, le déploiement des personnages… tout cela embarque au loin.

 

Départ pour la Tasmanie donc, et je ne sais même pas où c’est, enfin pas vraiment. Je sais qu’elle est proche de l’Australie, mais je la situe plutôt au nord de ce pays, alors qu’elle est au sud.

J’ai voyagé.

J’ai voyagé sur cette île triangulaire, ou plutôt cet ensemble d’îles. J’ai voyagé sur les sentiers escarpés, sur les plages, sur les falaises, dans les bourrasques de vent, le vacarme des lames s’écrasant sur les rochers, le clapotis de l’eau calme…

J’ai voyagé plus au sud encore, dans les 50ème hurlants, et puis dans le grand blanc de l’Antarctique, de la banquise, dans le bleu et le rose des glaciers, dans l’hiver austral et sa nuit qui n’en finit pas.

J’ai voyagé dans des tempêtes intérieures, dans les émotions et les sentiments des personnages, plus vrais que nature, forts et fragiles à la fois, intrépides et téméraires, renfrognés et ouverts. Dans La Mémoire des Embruns, il n’y a pas de héros. Chacun porte ses fractures et fait avec ses failles.

L’ensemble fut une belle exploration et une belle traversée. Et un chemin de découvertes, nées de recherches, du désir d’en savoir plus. C’est où ? (la Tasmanie donc, Bruny, Hobart, le Parc National du Freycinet…) C’est comment les puffins ?

Un puffin. Je crois que nous les appelons des Macareux (photo Wikipédia)

Il y a des livres que l’on referme un peu comme on les a ouverts, sans bruit, sans laisser de traces. Et d’autres que l’on peine à quitter, des personnages auxquels on s’attache, alors l’envie de prolonger le plaisir se manifeste.

C’est pourquoi j’ai ici écrit le mien…

Bonne lecture !

Bingo Royal de Gouttière

Ce sont d’abord des cris que j’entends. Miaulements aigus en forme de reproches exprimés d’une voix pointue. Puis apparaissent les triangles. Deux noirs doublés de rose pour les oreilles, un blanc et noir pour la tête, et un minuscule et tout rose pour le museau. Tout autour, des pattes et un petit corps chétif. À l’autre extrémité, une longue queue noire ébouriffée et décorée de toiles d’araignée.

20 juin 2002. Il fait grand soleil dehors, l’été est pour demain. Mais moi j’ai le cœur en hiver et l’obscurité à l’intérieur. Hier, nous avons dit adieu à mon père. Ça fait huit jours qu’il a fait ses bagages pour d’autres rivages, un grand voyage dont il ne reviendra jamais. Mon père, un pilier qui vient de s’effondrer. Et moi avec.

Du coup, cette petite vie qui s’est cachée dans une dépendance de la maison de mes parents, je la cueille comme un cadeau. Mon père aurait adopté ce petit chat, je le sais. Et moi je vais en prendre soin. Je le ramène donc chez moi. Mais chez moi, c’est un appartement, au cinquième étage, sans balcon. Adopter Sieur Chaton, c’est lui donner de l’amour, des soins, à manger, subvenir à ces besoins mais… c’est le priver de liberté. Et l’idée m’est très difficile.

Alors j’en propose l’adoption à un couple d’amis qui a une très grande maison, un grand jardin, une multitude de coussins, des canapés, des lits, et des genoux accueillants, et des mains caressantes. Et surtout, cette maison offre la liberté via une chatière. C’est là qu’il sera nommé Bingo. Et moi je continue à le voir plusieurs fois par semaine.

2003. La canicule puis le crabe ont invité la faucheuse chez ces amis. Entre temps, j’ai déménagé et je suis passée d’un appartement à une maison, avec petit jardin et aussi chatière, coussins, lits, canapés, genoux aussi, bien sur, et mains caressantes. Bingo est donc venu vivre avec moi. Et depuis, j’habite chez lui.

2020. Bingo est là, tout près, tandis que moi j’écris. Le véto avait estimé qu’il était né ‘+ ou – le 5 mai’, il a donc dix-huit ans aujourd’hui. Il fatigue un peu, un peu plus chaque jour. Il y a quelques temps déjà qu’il n’a pas fait le cascadeur dans le pommier. Cela fait dix-huit ans qu’on s’accompagne, qu’on s’aime, et que l’on partage l’essentiel. Ça n’est pas rien, c’est un sacré bout de chemin, et il n’est pas un matin sans que je le remercie d’être là. Encore.

Ah, j’ai oublié de vous dire, c’est un Royal de Gouttière.

18 ans, ça en fait des photos aussi… Difficile de choisir… 

(ps : dès que je retrouve des photos de lui tout petit, je les scanne et les publie).