Mois: juillet 2015
Swing city
Derrière les murs…
Derrière les murs percés de hautes fenêtres, les couloirs éclairés de lueurs blafardes hurlent à la mort. La nuit et son cortège d’ombres et de fantômes ont envahi l’espace alentour.
Dans les lits métalliques, autour desquels rode l’infatigable peur, des corps décharnés s’agitent, appellent, crient, supplient. La nuit est une horreur, la terre où tout s’agite, où le passé et le présent se piétinent, s’entrechoquent, se heurtent… Quant au futur, c’est un temps qui n’existe pas, et cela ajoute à l’horreur.
C’est l’heure du face à face avec soi-même, le moment de faire des comptes, de soustraire au malheur les rires et les jours heureux, puis d’additionner les regrets, les remords, les non-dits ou les trop-dits. Face à face avec l’autre aussi, que l’on ne connaît pas, ou à peine, toujours très pressé qu’il est… Alors les gestes techniques se couvrent d’un voile d’incompréhension.
Ses corps en souffrance et ses cheveux blanchis dissimulent des vies riches d’expériences, de souvenirs, de connaissances, qui tombent en poussières faute de transmission… Poussières de vies qui seront balayées d’un revers de main, quand on changera les draps demain…
Derrière les murs percés de hautes fenêtres, les couloirs hurlent à la mort. Une voix vient de s’éteindre, et une vie aussi…
TABLE DES MATIERES : Organdi
Plumes de Dahlias…
TABLE DES MATIERES : Plastique (1)
TABLE DES MATIERES : plumes de pissenlit.
LE TOUR DE FRANCE IN ‘EL HEITCH’
De mon enfance je me souviens quelques Tours de France, bords de route avec mes parents, excitation du public, cris d’encouragement au passage des cyclistes, je ne comprenais rien à l’affaire…. Et je m’en fichais royalement.
Je ne suis pas plus amateur ou adepte aujourd’hui. J’avoue cependant avoir été impressionnée par le passage du peloton, ce jeudi 9 juillet. Le bruit que cela génère, mélange de cliquetis métalliques, de vrombissements, de poussées d’air…. Et il en dégage une forme d’énergie, de puissance, qui m’a vraiment étonnée…
Voilà, mon Tour de France in L. H., en quelques mots et quelques photos….
Premier coureur dans le viseur…
En attendant le peloton…
… qui passe à une vitesse stupéfiante.
Derniers cyclistes, les prochains vélos que je verrai seront montés sur les toits des autos….
Un printemps, à Prague : 7 – Rencontre du dernier jour…
Préambule :
Pour le retour de Prague à chez moi, c’est presque comme à l’aller. Presque. A quelques différences nano-colossales près, nano dans le fond, colossales dans l’instant…
Vous étiez belle, Madame,
J’étais perdue quand je vous ai croisée.
70, 75 ans ? Je ne sais pas votre âge. Pantalon et foulard bleus, assortis à vos yeux, tandis que c’est l’argent qui anime vos cheveux. Une allure élégante, chic et sport à la fois. D’un pas rapide et assuré, vous sembliez savoir où vous alliez. Moi pas. Je vous ai demandé de l’aide, vous m’avez regardée, et le soleil a éclairé votre visage et votre joli sourire.
Après courte réflexion, vous m’avez invitée à vous suivre et m’avez emmenée à un arrêt d’autobus. Au chauffeur du 189 vous avez demandé des informations, en Tchèque. Ce bus n’allait pas à l’aéroport mais pouvait m’en approcher. Il me faudrait prendre un autre bus après. Sans tambours ni trompette, vous êtes montée, ma valise et moi à votre suite. Vous m’emmeniez jusqu’au bon arrêt pour prendre le 119 qui faisait la liaison avec l’aéroport !
C’est avec émerveillement que j’ai découvert votre capacité d’improvisation. J’avais très certainement perturbé vos projets de la journée, même si vous m’assuriez que non et que vous aviez du temps disponible. Charmante personne que vous êtes.
Au ruban noir de l’asphalte a défilé notre conversation. Nous savions toutes les deux la fugacité de l’instant, et sa préciosité. J’étais à la fois confuse de mon intrusion brutale dans votre journée, et ravie de cette jolie rencontre.
Lorsque nous sommes arrivées au terme de notre voyage commun, je vous ai remerciée chaleureusement, nous avons échangé un dernier ‘au-revoir’, un adieu en fait. Puis j’ai du m’engouffrer dans le bus 119 qui arrivait. Le temps de me frayer un chemin, vous aviez disparu.
Il me reste la douceur de votre visage, le bleu de vos yeux, votre sourire, et le mien maintenant. Parce que je peux, moi aussi, improviser au gré du vent, j’en connais les joies.
Rencontre improbable, fugace, et salutaire pour un moment partagé, et autant de plaisir…
J’étais perdue quand je vous ai croisée.
Et vous m’avez sauvée…
Merci encore, Madame…
Me voici au terme de mon voyage. J’ai quitté la beauté d’un ciel tchèque pour retrouver celle de mon ciel de Normandie… Les nuages dansaient avec le soleil sur la route du retour, j’ai aimé l’accueil… !
Un printemps, à Prague : 6 – Prague, transformation in process….
« It took us time, but we’ve finally managed. »
(« Cela nous a pris du temps, mais nous avons finalement réussi »), dixit le réceptionniste de l’hôtel.
Le fossé qui sépare les générations tchèques fut creusé, entre autres, par tant de chars, tanks, et autres véhicules militaires, qu’il s’en trouve très large. Indépendante depuis seulement 1993, la Tchéquie porte encore les traces d’un ‘avant’ et d’un ‘après’.
Les années de totalitarisme, dans un climat de délation, de suspicion, et de peur, ont laissé leurs empreintes sur les visages fermés et tristes, et dans les yeux des « vieux » de Prague. Regards bas et mines méfiantes, tant d’oppression ne saurait disparaître en si peu de temps…
Tandis que la jeunesse praguoise, elle, semble goûter une forme de légèreté et d’insouciance qui appartient, précisément, à la jeunesse… En toute relativité, chacun a ses problèmes…
Entre les deux, comme un trait d’union et de transition, les quadras et les quinquas, cette génération à l’origine de la révolution qui mit fin au joug soviétique. Génération disparate, comme toute génération, qui se retrouvait autour de valeurs, et aussi de symboles, dont le chanteur John Lennon. Ses chansons diffusaient des messages d’espoir qui alimentaient la lutte. Après son assassinat, un mur fut tagué à sa mémoire. Portraits, dessins, paroles d’amour et de paix, messages d’espoir et de liberté, les hommages se sont multipliés et le mur est resté tel, comme un mur du souvenir…
Trouver ce mur n’est pas mince affaire au milieu de ce conflit de générations. J’ai souri lorsque le tout jeune homme à qui j’ai demandé mon chemin m’a dit qu’il ne voyait pas de quoi je parlais, il ne connaissait pas ce mur (pourtant à 500 mètres !). Mauvaise pioche ! Ma seconde tentative auprès d’un homme d’une cinquantaine d’années, cheveux longs poivre et sel, fut plus fructueuse. J’étais sure d’avoir mes chances. Bingo, il a pu m’orienter ! Je m’étais trompée d’une génération…
Et c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai découvert ce mur, témoin d’un autre temps, exutoire d’une autre jeunesse…
C’est aussi avec émotion que j’ai visité le quartier juif de Prague. Cette partie de la population n’a été épargnée en rien au cours de l’Histoire du pays. Cloisonnement, isolement, et puis le sinistre épisode de la Shoa. Au mémorial, une voix égrène inlassablement les noms des disparus, ils sont nombreux à avoir rencontré l’immonde nazisme, et la déportation vers ‘la solution finale’. Parmi les témoignages de ces temps de l’horreur, quelques photos en noir et blanc montrant des rayonnages de costumes, vestes et manteaux, vêtements portés par les déportés, vêtements dont ils ont été dépouillés, et qui portent encore l’essence des corps…
Quant au cimetière, l’entassement des tombes rappelle que, pendant longtemps, les juifs ne pouvaient être enterrés ailleurs… Désordre solennel pour un silence éternel…
L’Histoire de ce pays s’est écrite à l’encre des larmes et du sang. Aujourd’hui, la Tchéquie redresse la tête, se relève à son rythme, le processus est en cours. Il y a assurément un ‘avant’ et un ‘après’ à Prague comme, je l’imagine, dans le reste de la Tchéquie…