Kohl Cologne

J’ai vu des photos de Cologne après la guerre, la seconde, une mondiale encore, une de trop. C’était un champ de ruines.

Alors, Cologne s’est reconstruite, pas seule, non, il a fallu l’aider. Une flopée d’architectes a du s’y mettre, si j’en crois l’aspect disparate des immeubles d’aujourd’hui, un centre ville en manque d’harmonie. J’habite, en France, une ville qui a été aussi entièrement détruite, au presque. Par les mêmes armées. La différence, c’est qu’en France on les appelait ‘les alliés’, tandis qu’en Allemagne c’était l’ennemi. Passage de frontière, changement de vocabulaire. Dans la ville où j’habite, la reconstruction a été confiée à un architecte, un seul, et le centre respire une certaine unité, unité qui manque singulièrement à Cologne.

Voici quelques exemples de maisons ‘colognales’

Tout a été détruit, sauf la cathédrale, gothique à souhait, un bijou d’architecture religieuse. Était-ce un miracle ? Il faut dire qu’elle renferme, dans une chasse bien gardée, elle-même protégée par des vitres, les reliques des ‘Rois Mages’. Rien de moins ! J’avoue que l’idée m’a fait sourire…

Ville étrange que celle-ci, comme un puzzle dont il me manquerait des pièces. Animée, vivante, boutiques de luxe et misère en cohabitation. Et puis, derrière, coule le Rhin, l’eau de Cologne…

Le Rhin, c’est bien, mais ça n’est pas la mer… Elle semble avoir manqué à ce graffeur qui m’a fait sourire, au détour d’une rue…

 

 

Liège Guillemins d’été

Retour à Liège, passage obligé.

Je n’ai pas de train à prendre cette fois, mais mes yeux en veulent encore.

Liège Guillemins, c’est une gare, dit-on, pas très hospitalière au voyageur qu’elle secoue de tous les vents qui se vautrent à l’intérieur. Je m’en souviens, c’était l’hiver…

Sous les dards du soleil, elle brille de mille feux qui se réverbèrent, de ligne en ligne, de courbe en courbe. Et l’air qui la traverse a la douceur de l’été, c’est alors une chaude torpeur qui se diffuse.

C’est une gare, dit-on, mais c’est aussi, vue de l’extérieur, un oiseau, un squale, un poisson… et quand on s’y engouffre, c’est toujours le ventre d’une baleine ici, ou des projections multiples là. Elle est ce que l’on veut, ce que l’on y respire, mais elle est belle, cela ne fait pas de doute. Et c’est un défi au troisième œil, à celui de l’appareil photo qui n’en finit pas de mitrailler les ombres et la lumière, les courbes et les droites, les treillis de métal et de soleil…

 

Liège sur Mer

J’ai beau ne pas être bonne en géographie, je savais bien que Liège n’était pas au bord de la mer… Sinon j’aurais aussi emmené un tuba et des palmes.

Départ à 13 heures, en ce joli dimanche de la mi-juillet, tout plein de soleil.

Direction Amiens, jusqu’ici tout va bien.

Itinéraire noté, en mode ‘sobrement dépouillé’, Amiens c’est Amiens, on n’y va pas par 4 chemins !

Direction Amiens Centre ? Non, pas question d’y entrer.

Ouest ? Je suis déjà un peu à l’Ouest, pas la peine d’en rajouter.

« On dirait le Sud, le temps dure longtemps » chante Nino Ferrer. J’éteints l’autoradio, le temps d’autoroute dure déjà assez longtemps, je ne vais pas prendre Amiens Sud et passer par Perpignan, ça rallonge.

Amiens Nord ? Oui, c’est cela, la Belgique c’est au Nord, la direction paraît adéquate.

Quitter l’A 29 et embarquer vers des terres boréales, voilà la solution.

Abbeville ? Ok, Abbeville c’est près d’Amiens, rien d’illogique là-dedans. Mon itinéraire indique une route qui mène aussi à Calais, alors je suis mon instinct, il y aura bien une sortie 53 après les sorties 22, 23, 24…

« Baie de la Somme » ?!! Ah ?! Pour un peu, le pare-brise se mouillerait d’embruns. Pas plus inquiète que cela, j’espère toujours la bifurcation vers l’Est, le retour vers les terres…

Quand je vois ‘Berck sur Mer’ à gauche, ‘Arras’ à droite, et ‘Dunkerque’ droit devant, je commence à avoir le mal de mer…

Il y a un problème, c’est certain ! Comment faire ?

SORTIR DE L’AUTOROUTE AU PLUS VITE !!!

Et sortir la carte de France aussi, bien à l’abri au fond d’un sac lui-même bien à l’abri au fond du coffre.

Dans l’état actuel des choses, Arras est moins pire que Berck, qui commence à se prononcer ‘beurk’ dans mon imaginaire de route des vacances.

Il est déjà près de 18 heures, l’après midi du dimanche tire sur sa fin, et il semble que les Arrageois, Arrageoises et Atrebates, harassés de chaleur toute la semaine précédente, aient décidé de voir la mer, à Berck précisément. Il y en a beaucoup sur la voie rapide, nous ne tardons pas à embouteiller et bouchonner ensemble, en particulier quand quatre voies deviennent deux et que le goulot d’étranglement se forme…

Sous le soleil exactement, pas à coté, pas n’importe où…

Arras pointe le bout de son clocher, Cambrai semble être une étape possible dans la foulée. Cambrai, ville de bêtises…

La jauge de l’automobile indique qu’un plein lui ferait du bien. Je profite de l’arrêt dans une station au milieu de nulle part, mais tout près de Cambrai, pour me renseigner. La jeune fille (que je ne la recroise pas, celle-ci ! ) m’indique qu’il faut prendre l’autoroute en direction de Lille. Je proteste, je ne veux pas aller à Lille !

« Sur l’autoroute de Lille, vous trouverez bientôt la direction de Valencienne, et là, vous serez sur la bonne voie », insiste-t-elle.

J’ai finalement été jusqu’à Lille, me suis arrêtée dans une station sur l’autoroute où les canalisations étaient défectueuses, et où l’eau manquait terriblement. Pas de café, pas de toilettes, le calvaire continue. Plus je roule, plus Liège s’éloigne… Et plus je désespère. C’est que l’on m’attend à Liège… !

 

Enfin, j’entre en Belgique, comme en Terre Promise. Mons, Charleroi, Namur…

23 heures ! Est-ce une heure raisonnable pour arriver en Amitié ?

L’Amitié a laissé la porte ouverte, et la lumière allumée. Elle m’attend, et m’accueille chaleureusement. Un bon diner, un lit douillet et une couette douce et légère.

Les retrouvailles furent aussi agréables que le parcours fut difficile.

10 heures pour un trajet qui a duré 6 heures au retour.

Et enfin de beaux moments à vivre, ensemble, ensuite…

 

En bleu, l’itinéraire conseillé par Mappy, en rouge, le mien !!

Moussa, le Petit Géant

D’où vient-il, Moussa ? On ne sait pas vraiment.

C’est en Afrique qu’il a croisé le chemin du Géant, et le Géant l’a adopté.

Mais l’Afrique, c’est grand, ça n’est pas un pays, c’est tout un continent.

Par deux fois, il est venu nous rendre visite, arpentant nos rues et avenues. Il a du charme, Moussa, il nous a mis dans sa poche, et à notre tour nous l’avons adopté.

Moussa est un enfant presque comme les autres. Sauf qu’il a des grands pieds, de très grands pieds. Et qu’il aime les légumes.

Mais, comme tous les enfants ou presque, lorsque le Petit Géant s’apprête à faire la sieste et se déchausse, eh bien… il laisse trainer ses souliers…

 

Pour faire le portrait d’un Géant

D’abord, dessinez des ficelles,

Pour qu’il s’y suspende,

Qu’il se sache soutenu.

Puis dessinez une ville,

Un lieu à sa taille,

Qu’il s’y sente comme chez lui.

Dans cette ville, peignez un port,

Un port d’attache, mais sans ficelles,

Juste un endroit pour amarrer son cœur,

Le temps d’une étape, d’une sieste.

Dans ce port, tracez des quais,

Et sur les quais, des containers,

Qu’importe la couleur, pourvu qu’ils soient accueillants,

Qu’il puisse s’y poser, et s’y reposer.

Puis attendez, patiemment.

Parfois, le Géant vient et revient vite,

Parce qu’il est impatient.

Parfois, ça peut prendre longtemps,

Onze ans, une éternité pour le peintre.

Trois minutes pour un Géant,

Parce qu’il vit dans un autre temps.

Quand le Géant arrive, il faut l’attacher,

L’attacher à nos cœurs, parce qu’ON est attaché.

Et puis, il faut le laisser dormir, il est si fatigué.

Alors, les yeux grand écarquillés,

On gomme les ficelles, et puis tout le bastringue,

On se laisse chambouler.

Et on se remet à l’ouvrage,

On peint le bleu du ciel, l’or du soleil,

Le souffle du vent qui coure dans ses cheveux,

L’écume des vagues, et aussi les embruns,

On écrit la rumeur qui envahit les rues, les places,

La ville entière…

« Le Géant est arrivé, il est revenu »

Si le tableau lui plait,

S’il trouve qu’il est beau,

Alors, à son réveil, il posera sur la toile,

Son regard grave et bienveillant,

Et il racontera son histoire,

Une histoire à dormir assis, sur un container,

Une histoire de Géants…

Et on l’écoutera, bouche bée,

Avec nos cœurs d’enfants…

(Très librement inspiré de Prévert et de son portrait d’un oiseau)