C’était un atelier d’écriture, sur le thème ‘Les nouveaux travaux d’Hercule’. En cette période difficile, j’ai envie de le publier ici, parce que rêver d’un monde qui tourne bien, ça ne peut pas nuire…
» La Cour vous condamne à des travaux d’intérêt général dont la durée est indéterminée et fonction du temps nécessaire à l’obtention de résultats. »
C’est par cette phrase que s’achevait mon procès. Clémence de la cour, pas d’amende à payer, du temps à donner, et du temps, j’en avais. J’avais été arrêtée et mise en prison pour avoir, précisément, libéré de prison tous les oiseaux du parc zoologique. Tous s’étaient envolés, sauf les autruches évidemment. Si l’amour de la liberté donne des ailes, les autruches n’avaient apparemment pas le cœur sensible, elles ne décollèrent pas, tête dans le sable, tout occupées à se satisfaire du monde souterrain où elles avaient plongé leur bec.
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J’étais entrée à l’atelier par un matin brumeux. La Dame qui m’accueillit, était belle, bien que marquée ici et là de cicatrices profondes. Une Dame sans âge, concentrée sur son ouvrage, je l’aidais, je faisais de mon mieux.
– ça ne tourne pas rond, non, toujours pas. Passe-moi une clé de 12 et une de 31, la clé de 24 aussi, on va tenter de ralentir la cadence, elle semble responsable de la mauvaise rotation.
Nous avons œuvré pendant un temps que je ne saurais évaluer, tant il était relatif à nos avancées, à nos doutes, à nos réussites, aux échecs rencontrés, à nos nouvelles tentatives …
Mais nous y sommes parvenues, nous avons réussi à desserrer les boulons du temps. C’était plus que nécessaire, tout allait trop vite, on ne maîtrisait plus rien, et surtout pas l’instant. Tout ce qui était neuf, nouveau, vieillissait à vue d’œil ; l’émotion et les sentiments n’avaient plus le temps de s’installer en profondeur ; la surface du globe était couverte d’une viscosité de miel ici, de fiel là… Nous en avons rétabli le PH, au plus près de celui de l’amour, fluidifiant ainsi l’ensemble qui pût, à nouveau, pénétrer les cœurs, jusqu’au cœur de la Terre.
Puis nous avons remis nombre d’humains à l’endroit, ils marchaient sur la tête. La plupart étant sur les sommets, on les repéra facilement, la chose ne fut pas compliquée. La rotation semblait se réguler, le travail était en bonne voie.
Ensuite, nous avons restauré la chaîne de solidarité, elle était cassée à de nombreux endroits. Notre émotion fut forte lorsque nous pûmes, enfin, réunir le maillon israélien et le maillon palestinien. Dans les canons syriens, nous avons planté en série des roses de Damas, leur parfum monta jusqu’à nous, jusqu’à provoquer l’ivresse et la liesse.
Enfin, répartir les couleurs, répartir le bleu et l’or, jusqu’alors concentrés aux mêmes endroits. De nos souffles légers et combinés, nous avons invité l’eau à se répandre pour mieux irriguer les terres et mieux nourrir les ventres, soigner les maladies aussi. Les richesses suivirent, richesses temporelles se mêlant aux richesses culturelles et spirituelles, il y en eut partout à proportions égales, l’équilibre s’installait.
S’élevèrent alors vers nous des millions de petites étoiles brillant au bord des yeux, le globe devint lumineux…
Et les cicatrices de Dame Nature semblèrent s’atténuer.
Un rêve, une utopie, mais je préfère largement cela à toute dystopie, même si, toujours dans le cadre d’ateliers d’écriture, la dystopie j’ai écrit aussi… A lire en cliquant ici, si vous le voulez…