La Porte (9 et fin)

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La gardienne de ce temple n’avait pas envie de céder. Eh bien, elle allait entreprendre autre chose de plus radical comme les mots doux n’avaient point les effets escomptés.

Aussi, elle se transforma en une torche vivante tel un bûcher venu des fonds des âges et qui avait déridé d’un seul coup le bourgeois au visage de l’effroi.

On aurait pu s’attendre à ce que le béotien prenne ses jambes à son cou telle une comète à la chevelure de feu dessinant dans un ciel d’été une future apocalypse pour les terriens superstitieux jusqu’à la moelle des os surtout ceux du fémur.

Il n’en était rien. Planté comme une statue dans le cimetière du Père-Lachaise, la barbe fleurie, le bras gauche levé vers la porte enflammée et le bras droit désignant le fleuve à portée de main, la bouche ouverte vers le néant d’une voix qui s’était réfugiée bien loin dans le fond du gosier, il ne tentait aucune résistance à son sort scellé par son entêtement.

La Porte reconnaissait que l’homme avait du courage en posant comme un ancien sémaphore du rail, ce qui l’avait refroidi un tantinet sur le bord du chambranle.

Mais, il fallait en finir. Alors, par un effet dont la magie elle-même ne comprenait pas ce tour, la Porte avança vers ce têtu bipède pour le rôtir de son impertinence et l’emporter très loin dans les méandres d’un enfer dont le nom était tabou si ce n’est que personne n’était revenue pour le chanter voire le dire ou bien l’écrire tout simplement pour informer le commun des mortels.

Ainsi la Porte et le Bourgeois ne faisaient qu’un dans les flammes…

 

(texte de Max-Louis/Iotop)

 

(Merci beaucoup à Max-Louis – Iotop pour ce partage d’écriture, j’ai aimé faire ce ‘porte à porte’ à quatre mains)

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La porte (7)

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Naples toujours

La Porte grinça par une inflexion à peine perceptible à l’encadrement et souffla par quelques-uns de ses interstices déployés par les armées de décennies telles des rides qui s’envisagent comme un ciel d’automne prêt à fondre sur le paysage ingénu qui n’attend pourtant que le fouet bienfaiteur qui commande les saisons.

— Dites-moi, le Bourgeois, vous m’avez tutoyée sur le bord de ma traverse, présentement ?

— Je vous tutoyâtes, là, présentement ?

— Ne faites point l’innocent qui voit son mauvais visage pour la première fois dans une flaque d’eau de printemps qui n’a de source que de vous rendre votre vraie nature.

— Alors, cela m’échappâtes par excès de confiance…

— Pour me séduire ? m’envoûter ? me charmer ? me troubler ? me captiver ? m’enchanter ? me dominer ? me conquérir ?…

— Au vrai, ce tutoiement est une audace incontrôlée, une méchante position à l’emballement de mon désir de franchir votre seuil, de tenir ma promesse d’être présent à ma réunion secrète parmi mes pairs…

— Des complotistes dans mes murs ?

— Est-ce ma raison qui chavire ou bien la tentation de vous séduire… j’en suis à ce genou à terre pour pardon et les yeux de honte sur les pavés auxquels des histoires bien horribles ont été contés…

— Conté ? Je vous parle de fromage, moi ?

— M’enfin ! Ouvrez-moi !!!

— Votre injonction est déplacée et tenez-vous en bourgeois responsable de ses actes.

 

Quand un auguste personnage bouscule le Bourgeois qui ployait à genoux son désarroi…

texte de Max-Louis, alias Iotop

La Porte (5)

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Aussi se dit-il qu’il est possible de soudoyer cette grande biche de porte qui n’avait pas l’air qu’elle devait avoir ni le tempérament trempé dans le bénitier avant la prière et par déduction l’âme tendre mais affûtée comme le rasoir du barbier de la place et dentiste de belle renommée qui endormait ses clients par un genre de sérum alcoolisé maison.

À ses réflexions qu’il approuve avec lui-même, le Bourgeois revient à la charge avec une nouvelle tactique celle de l’endormissement à plusieurs paliers tel le plongeur en apnée qui a une certaine profondeur perd la notion du temps accédant à l’abyssale abstraction du soi dont le corps n’est plus qu’une onde informe et déstructurée par effet de l’émotion intrinsèquement déployée dans la plénitude du mystère de l’existence en tant que mammifère terrestre…

Et, il s’engage pour un nouveau round après avoir pansé ses deux doigts de la main gauche dont la douleur vivace s’éternise comme un enfer qui ne dit pas son nom mais brûle la chair en des picotements à la pivert.

— Ainsi vous n’êtes pas de chêne ?

— Je peux dire que j’ai le ventail sensible à qui sait apprécier mes ferrures…

— Vos atours ?

— C’est cela même…

— Je ne veux en aucun cas être votre heurtoir mais seulement un passager de votre seuil comme une feuille de printemps à la couleur du montant de votre teint automnal et ô combien charmant.

— Flatteur…

— Mon intention n’est-il pas de vous séduire pour entrevoir entre vous et moi… une ouverture ?

— Si fait, si fait… mais, n’en faites point trop.

— Je vous saurais redevable infiniment si vous me laissiez entrer.

— Vous n’avez que cette idée fixe.

— Fixe et ancrée, car elle y va de ma vie.

— Votre vie vaut-elle une telle amplitude d’obstination ?

— Et vous, très chère, part tous les temps vous résistez comme moi… aussi votre abîme est aussi un peu la mienne ?

— Certes… et si nous convenions que je vous fasse entrer par la petite porte ?

Le Bourgeois aux yeux allumés d’espoir, allait-il accepter cette proposition ou bien s’en mordre les doigts… une nouvelle fois ?

Naples

Agenda Ironique Juin 2021 – Sous les toits de Paris

Première participation à l’Agenda Ironique. Le thème en est ‘la langue’ et quatre mots sont à utiliser : chouette, insomniaque, narine, frigoriste. 

Étendue sur le quai de son lit, elle attend le train du sommeil, les yeux déjà fermés, prête pour le départ car souvent ce train arrive sans crier gare.

Huit heures de repos ferme, sans étapes, sans arrêt, voilà ce qu’elle désire, voilà ce qui serait une chouette destination. Devenue insomniaque, les nuits blanches se succèdent les unes après les autres, depuis bientôt trop longtemps. Et demain, demain dès l’aube ou presque, elle doit se rendre à l’université pour y passer ses derniers examens de l’année.

Quelle idée de venir faire des études d’anglais à Paris quand on est russe ? Elle aurait pu choisir Cambridge ou Oxford. Mais vu de Moscou, l’appel de Paris est bien plus fort. Et la langue anglaise n’est, somme toute, qu’un prétexte pour fuir tout ce qui pèse trop lourd dans un sac à main quand on a 18 ans.

Neuf mètres carrés sous les toits du Marais, l’adresse est chic. Chic et chère, certes, mais quelle vue ! Perchée sur le tabouret, en se penchant un peu, elle peut voir la place Georges Pompidou et les gros tuyaux colorés de Beaubourg. En juin, ça devient moins chic, quand les toits de zinc emmagasinent la chaleur toute la journée, et continuent de la diffuser pendant la nuit.

Les couinements du matelas dans le studio d’à côté semblent indiquer que son voisin non plus ne dort pas. La chaleur aussi, peut-être ? Pour un frigoriste, ce serait un comble. Cesser de penser, voilà ce qu’il faut faire pour commencer. Le sommeil se love mal dans les fils emmêlés des divagations de l’esprit. Pas de frigo dans sa chambre meublée, dommage, elle rêve de glace, de froid, de prendre un rail de neige dans les narines.

*          *          *

Vêtue d’un court tutu, chaussée de patins blancs, elle glisse sur la glace avec élégance et légèreté et effectue quelques figures gracieuses au bras de son frigoriste de voisin. Il parle russe aussi finalement. Tous deux font partie de la troupe de Holiday-on-Ice. Dans les gradins, le public les applaudit chaleureusement.

La stridence du réveil torpille son sommeil et perce ses oreilles.

Elle n’a pas assez dormi, tant pis…

La Porte (3)

Pour retrouver l’épisode 1, c’est ici

Et pour l’épisode 2, c’est . 

# 3

La Porte vibra légèrement sur son alignement, gauche, réveillant imperceptiblement le gond à scellement double feuille à l’oreille délicate.

— Des menaces, grand dadais ?

— Il n’est que temps que cette farce s’arrête et que le bon sens reprenne sa ligne de conduite !

— Vous parlâtes pour vous et j’en suis fort aise …

— Vous vous méprenez porte de malheur, prenez garde et faites que mon ordre d’être reçu par le directeur de ce lieu vienne à mon secours !

— Et votre directeur de conscience, il vous dit quoi, béotien ?

— Votre insolence est tout feu tout flamme, il se peut que votre entêtement ne vous gâche la journée !

— Vous faites l’artiste devant moi et regardez toutes ces bonnes gens derrière vous… vous faites carnaval …

— Assez ! assez ! je reviendrais et me ferais force loi …

— C’est cela, c’est cela …

Et d’un pas décidé et jambes enrôlées jusqu’aux mollets toutes font courses vers une légitime demande devant le premier haut fonctionnaire que le bourgeois, tout à sa colère d’être retenu comme un simple valet et risée de la rue passante à la moquerie facile, souhaite entretenir.

Naples

APicADay – L’Arno d’Or

 

C’est un pont sur l’Arno, un vieux pont, comme une rue bordée de boutiques, grouillante et bruyante du levant au couchant. Autrefois le fleuve était rouge du sang versé par les bouchers qui travaillaient là, dans leurs minuscules échoppes. Aujourd’hui, c’est d’or que le fleuve est teinté, les bijoutiers ont pris la relève, les bijoux s’étalent en vitrine.

L’Arno

Florence

La Toscane

L’Italie…

Comme un petit air de paradis…

Porte à porte (1)

Avec Max-Louis du blog Le Dessous des Mots ( https://ledessousdesmots.wordpress.com ), nous avons fait un peu de porte à porte, enfoncé des portes ouvertes, balayé devant notre porte… Aventures racontées à quatre mains et en plusieurs paragraphes, dont voici le premier qui a été écrit par Max-Louis. La suite demain, sur son blog à lui avec ma deuxième partie à moi. 

***

*

La Porte était au seuil de sa réflexion que l’on frappe d’un objet genre pommeau de canne bourgeoise sur son panneau chêne sculpté … à la ferronnerie de belles figures.

— ¡Hola! Qu’est-ce ? Voilà t’y pas un bourgeois impertinent !

— «L’aile n’est pas celle que l’on pense»

— Le mot de passe est erroné, veuillez recommencer !

— Comment erroné ?

— Écoute bourgeois, j’ai la fibre végétale sensible aujourd’hui, alors, si je te dis : « Le mot de passe est erroné, veuillez recommencer !», ce n’est pas pour le plaisir.

— Ah ? alors : «L’on pense que l’aile n’est pas icelle»

— C’est mieux, mais ce n’est pas ça.

— «Pense que l’aile n’est pas à la selle»

— Mais ça ne veut rien dire, bougre d’âne !

— Bon Dieu de bois, il faut que je rentre !!!

— Que nenni mon bon, je ne suis pas la première venue à qui l’on conte fleurette, j’attends et j’ai tout mon temps, moi !

 

(à suivre ici, chez Max-Louis)