La Bise

Elle était de toutes les fêtes,

En famille, entre amis.

Dans les bars,

les guinguettes

les discothèques,

Elle était au boulot aussi.

Alors comment vivre sans elle… ?

Elle était partout,

Et puis, elle est partie…

Nul ne le sait où,

Depuis des jours,

des semaines,

des mois,

plus d’un an déjà…

Est-ce qu’elle reviendra ?

On n’en sait rien,

Tout dépendra de la conjoncture.

Pourtant c’est notre culture !

Comment faire sans elle ?

Il semble que les voisins y parviennent,

Les gens des autres terres,

Et des pays lointains.

Certains mêmes nous taquinent

Pour ce trait très particulier,

Qu’on échange sans façon,

En toute intimité,

Par deux, par trois, par quatre,

En commençant par la joue gauche ou bien la droite.

De l’eau au moulin des Anglais,

Qui pouffent déjà de nos baguettes, bérets, bidets,

Un ‘b’ de plus, qu’on se le dise,

Et c’est le ‘b’ du mot Bise !

Mais nous ?

Nous, on l’a toujours connue,

On ne sait pas quand elle est apparue,

Dans des temps immémoriaux, c’est sûr.

Jean de la Fontaine la mentionne déjà,

Dans une de ses fables illustres,

Intitulée « La Cigale et la Fourmi. »

Quand il écrit :

« La Cigale ayant chanté tout l’été,

Se trouva fort dépourvue,

Quand la bise fut venue. »

Il parle bien de notre bise !

Et si d’aucuns prétendent qu’il s’agit d’autre chose,

Laissez-les mouliner leurs paroles dans le vent.

On sait bien, nous, qu’il parle de la petite chose rose,

Qu’on pose ça et là sur les joues des ami(e)s

Des parents, et des collègues aussi.

La bise, première victime du Covid,

Se remettra-t-elle de la crise ?

J’en sais rien,

En attendant, il faut trouver un moyen différent

Pour dire le bon jour,

Autrement…

Namasté !

Mémoire

Je voulais vous parler d’un truc, mais je ne me souviens plus quoi.

Attendez, avec un peu de chance ça va me revenir…

La mémoire, voilà, c’est ça l’affaire qui me préoccupe.

Il me semble que ma mémoire est devenue un grand trou noir dans l’espace, un gouffre, un précipice dans lequel mes neurones glissent et se perdent, tandis que mes synapses collapsent.

C’est comme si mes souvenirs étaient partis en vacances, sans moi, en attachant ma chienne de vie avec une chaine, au pied d’un chêne centenaire, sur le bord d’une autoroute. Et depuis, j’erre dans les méandres de ma carte mère…

De nature pipelette, j’ai toujours eu du mal à me retenir de dire, mais à présent ce sont mes textes que je peine à retenir.

Elle a pourtant eu son heure de gloire, ma mémoire, du temps d’après les dinosaures mais d’avant les prompteurs où j’étais souffleur, enfin souffleuse, dans un théâtre amateur.

On jouait « On ne badine pas avec l’amour », de Léonard de Musset… Pardon, Alfred de Musset. J’en connaissais, bien sur, le texte par cœur !

 » Le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange «  ; Acte II, Scène 4.

Je soufflais bien, je soufflais fort, il paraît qu’on n’entendait que moi, planquée derrière les rideaux.

Mais ça, c’était avant. Avant que ma mémoire ne s’abîme dans des océans d’oubli, et que mes souvenirs ne tombent en ruines. Aujourd’hui je vis en Amnésique… Je fais des rêves mnémotechniques dont mon réveil ne retient rien, et pour gérer mon quotidien, je recours à des mémos postés sur des post-it. Ça aide un peu, mais pas toujours…

Pas plus tard qu’hier, j’étais invitée à un anniversaire, une soirée à thème mais j’avais oublié lequel. Western choc ou Celtic chic ? Incapable de m’en souvenir, je suis partie avec mon kilt et mes colts, pour constater, finalement, que c’était une soirée Bisounours. Alors, évidemment, j’ai eu l’air décalé…

Que faire ?

Ma pensée semble dépenser sans compter mon capital souvenance, le catalogue de mes souvenirs rétrécit à vue d’œil, tandis que le répertoire de mes mots se dilue dans les flots … Mes facultés ne me permettent plus d’analyser les annales, j’oublie tout, ou presque, et pour mémoriser quoi que ce soit, il faut que je me recueille sur mes recueils…

Vous le voyez bien aujourd’hui, je suis attachée à mes pages, ligotée à mes notes, et bien incapable de vous dire un texte sans lire ce qu’ici même j’ai consigné…

Alors, s’il vous plait, pas de rappel parce que de ça, je ne saurais me rappeler…

Cela dit, il me semble me souvenir que je voulais vous parler d’un truc…

Synapse Corridor…