Des 6Mots de je, de jeux de mots, des je pas sérieux…
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Pour en savoir plus sur les 6Mots, rendez-vous ici !
Des 6Mots de je, de jeux de mots, des je pas sérieux…
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C’était comme une activité confidentielle, un doux délit d’initié, un terrain de jeux de mots, d’esprit aussi, et des éclats de rire…
Et puis il y eu l’arrivée du printemps et, dans son sillage, le 18è Printemps des Poètes, avec l’envie d’inviter les 6mots à prendre l’air, s’épanouir en extérieur, et capter les regards et les sourires des passants. Et c’est ainsi qu’est né « 6mots pour un Printemps des Poètes », événement relaté ici, ici, ou là.
Alors, maintenant qu’ils se sont exposés au grand jour, de ville en ville, l’envie me vient d’en partager davantage ici.
Mais … un 6mots, késako ?
C’est d’abord une légende autour d’ Ernest Hemingway. On dit qu’il aurait été mis au défi d’écrire une histoire en six mots seulement. Il aurait relevé le challenge ainsi : « A vendre, chaussures bébé, jamais servies » (for sale, baby shoes, never worn).
Puis cela devint une règle d’écriture, un jeu avec les mots. Écrire, en six mots, pas un de plus*, une contrainte à laquelle il est amusant de se plier, en toute liberté de ton, d’humeur, de thème et de sujet…
À suivre, donc, des 6Mots en séries avec, pour commencer, des 6mots de confession ici.
Des jeux de mots et d’humeur ici, ici, ici, ou là . Et puis des 6mots d’amour ici, ici, et là
* Le site sur lequel l’aventure 6mots a commencé était un site Canadien, 6mots.com, il n’existe plus. Le comptage des mots se faisait sur le mode anglo-saxon, c’est à dire 1 mot = 1 bloc. Par conséquent, si ‘je suis’ compte bien pour 2 mots dans les deux systèmes, ‘j’étais’ marque une différence : 1 mot pour le système anglo-saxon, 2 mots pour le système française. Alors certains de mes 6mots anciens en comptent en fait un peu plus selon le système français, mais ils comptent bien 6 blocs. Dorénavant je m’efforce de faire des 6mots qui le soient vraiment, dans les deux systèmes !
Et le clocher, une étoile accrochée à sa pointe, se découpe sur la nuit qui hésite entre chien et loup.
Derrière, l’horizon rougeoie encore des braises sur lesquelles le soleil s’est couché.
Quelques zébrures nuageuses taquinent la pureté du ciel.
Sur les toits, au premier plan, un chat gourmand s’entiche de la lune en croissant, regard fixe énamouré…
Ma rue comme une carte postale, invitation à la contemplation et à la rêverie.
Et l’esprit s’échappe, peu pressé de rentrer.
Qu’importe la fraîcheur de l’air, le vagabondage n’a pas froid aux yeux, et il se joue des kilomètres, rien ne l’arrête…
Les pensées filent le temps, traversent les océans, relient les continents.
Et trottent dans ma tête ces mots, cette chanson …
Universe am I …
Donovan, ‘Universe Am I’
(Pour écouter le texte mis en voix, cliquez ici)
© 13 décembre 2013
Entre Ciel et Mer, entre Ville et Jardins, suspendue dans l’air pastel de ce bleu de septembre, comme un été qui s’achève en douceur, comme une belle promesse d’autres saisons à venir….
Les Jardins Suspendus pour surplomber l’agitation citadine et portuaire, garder l’image mais couper le son, et s’offrir une journée buissonnière, là-haut, sur la falaise, bien plus près des oiseaux….
Petite fenêtre dans l’escalier
Lille, novembre 2010, comme un hier à travers la fenêtre
Elle lui parle, il ne lui répond pas, il ne répond jamais. Elle est venue pour déjeuner là, pour être près de lui. Il ne mange pas, il n’a jamais faim.
Elle le regarde.
Occupé à son dernier tableau, il porte sa toile, semble l’embrasser, ses deux bras tendrement affairés autour d’elle. Une pointe de jalousie lui transperce le cœur. Il est si tendre avec son oeuvre.
Il est torse nu, il est beau. Le mouvement entrepris fait saillir les muscles sous sa peau, quelques grains de beauté constellent son épaule, il dégage une force, une puissance, que seule la fragilité de son regard dément. Son visage est de trois-quarts, légèrement incliné. Sa barbe en bataille, fils châtains parsemés d’argent, hérisse son menton. Son nez, fort mais bien droit, se découpe dans la lumière. Elle l’observe attentivement, et à chaque fois qu’elle le dévore des yeux ainsi, son cœur fait des soubresauts dans sa poitrine. Lui, il ne la regarde pas, il ne la regarde jamais.
Elle lui parle encore, lui raconte la ville, la mer où elle est née, et où elle aurait tant aimé qu’il l’accompagne, elle aurait adoré lui en faire sentir les embruns, le vent qui fouette le visage. Il en aurait apprécié le ciel, toujours changeant, toujours splendide, même dans le gris du temps. De cela, elle était certaine, les plus grands peintres s’en étaient régalés. Elle lui explique les petites choses de la vie qu’elle aurait tant souhaité faire avec lui. Les marchés en plein air, aux étalages couverts de légumes qu’ils auraient cuisinés à deux. Les terrasses de café, où il faisait bon traîner, les mains agitées de discussions sans fin. Les soirées entre amis, où l’on refaisait le monde, toujours mieux, toujours plus grand… Et elle lui murmure les mots tendres de l’amour qu’il aurait fait ensemble …. Si seulement … si seulement …
Elle pose à nouveau les yeux sur lui. La toile s’impose à son regard, pleine de couleurs vives, pleine de couleurs gaies, de mouvements et de fragments d’âme. C’est la vie même qui semble jaillir du cadre.
Alors, elle range la photo dans son sac, essuie machinalement les miettes de sandwich tombées sur la tombe de granit noir, avant de se relever.
Elle ne connaît de lui que cette photo montrée par sa sœur, amie de cet artiste qui s’est donné la mort quelques semaines auparavant. Au premier regard, elle était tombée amoureuse de l’homme et de son œuvre. Depuis, elle pleurait celui qu’elle n’avait pas connu, ou connu trop tard et pas de la meilleure façon . Elle pleurait leur amour, mort avant d’avoir vécu…
Si seulement il avait su …
© 9 juin 2013/25 mars 2016
(Pour écouter le texte mis en voix, cliquez ici)
Parce qu’ici, aujourd’hui, c’est grand soleil…
Il arrive, dans la vie, que l’on tombe sur un os.
C’est ainsi que, après le repas, au moment de vider les reliefs de mon assiette dans la poubelle, je me trouve confrontée à un problème de taille, sans point commun avec la taille de la poubelle ou mon tour à moi. Non, c’est bien plus grave que ça.
Il y a un os.
Là, dans mon assiette. Et je ne sais qu’en faire.
Je mange très peu de viande, et quasiment jamais de viande avec os. Je suis donc bien démunie devant mes quatre poubelles. Où mettre cet importun ?
La poubelle ‘déchets courants’ ? C’est celle du dernier recours et je n’y recourre que si, après réflexion, je n’ai rien trouvé de plus adéquat. Au fil du temps et des déchets, on sait, on fait presque machinalement, la poubelle nous tend le couvercle. Mais là, vraiment, cela demande réflexion.
Campée devant le bac à compost, j’hésite. Les os sont-ils biodégradables ? Puis-je transformer l’animal en végétal ? Il me semble que non, sinon les catacombes auraient fermé leurs portes, les autres ossuaires aussi. Et les chiens de mes parents n’en auraient pas planqué autant dans le jardin. Les chiens, c’est pas bête, s’il y avait un risque de voir les os se décomposer, ils les cacheraient ailleurs, les mettraient au grenier.
La caisse à verre ? Le point commun entre l’os et le verre est que tous les deux cassent. Mais, quand ça casse, ça laisse des traces. L’os de mon assiette n’a ni plâtre, ni atèle, ni stigmate de fracture visible à l’œil nu. J’ouvre un placard de la cuisine, en sors la balance ménagère, le mixer, le batteur, le presse-agrume et le presse-purée, l’appareil à raclette, celui à tartiflette, la crêpière, le gaufrier, la cafetière électrique et la cafetière à piston. J’atteins enfin le microscope caché tout au fond. Un examen approfondi de l’os me permet d’affirmer qu’il n’a ni fracture, ni fêlure. Donc, la caisse à verre n’est pas adaptée.
Le bac à recyclage ? Je vérifie la liste de ce qui se recycle. J’y trouve le mot ‘plastique’. Mon os n’est pas en plastique, mais il paraît que si l’on trempe un os dans du vinaigre assez longtemps, il se ramollit et devient caoutchouteux. Voilà une piste intéressante. Si je transforme mon os en os en os en caoutchouc, en tirant un peu sur l’élastique sémantique, je pourrais peut-être me débarrasser de ce déchet bien encombrant en le jetant avec les plastiques. L’assiette plate étant peu adaptée à l’expérience, je sors un récipient propre et mets l’os dedans. Je réalise alors qu’il me faudrait au moins un litre de vinaigre pour que la totalité trempe. Un litre, une bouteille à recycler, l’enjeu ne vaut pas le vinaigre, ça n’est pas écologique. Exit le bac à recyclage.
Alors je reviens à la poubelle pour déchets courants, presque sure que c’est le meilleur endroit possible. Presque. Parce qu’il me reste tout de même des doutes. Un os, c’est du vivant mort, et dans ‘vivant mort’ il y a ‘vivant’, au passé, certes, mais quelle qu’en soit la conjugaison, le vivant, ça se respecte. Je ne peux me résoudre à laisser cet os qui, somme toute, ne m’avait nullement manqué de respect, côtoyer les pots à yaourt, les mégots de cigarettes et le papier d’emballage de la viande après décès mais avant cuisson. Non.
Le problème est cornélien, et moi je n’ai pas de chien. Un chien pourtant aurait bien fait l’affaire. Je n’ai qu’un chat, et il ne mange pas d’os.
Je suis désespérée, je ne sais plus quoi faire.
Et soudain mon esprit allume la lumière. Maintenant je sais.
Équipée d’une pelle et d’une pioche, je m’en vais creuser mon jardin, à la lampe torche. Je vais y enterrer mon os.
Voilà, c’est fait.
Avec une pince à linge en bois, je fabrique une croix, comme lorsque j’étais enfant et que j’enterrais oiseaux et coccinelles. Avec un stylo à pointe fine et encre indélébile, j’inscris : ‘Ci gît Saturnin, cuisse de canard malchanceux. Repose en paix’. Sur la petite tombe, je dépose une bougie en espérant que l’âme de mon os s’envole au ciel. Je me sens apaisée, consciente d’avoir fait mon devoir….
Voilà, maintenant je vais aller ranger la balance ménagère, le mixer, le batteur, le presse-agrume et le presse-purée, l’appareil à raclette, celui à tartiflette, la crêpière, le gaufrier, la cafetière électrique et la cafetière à piston, le microscope, la torche, la pelle et la pioche … Demain matin, je vais chercher un chien. Et la prochaine fois que j’ai envie de manger de la viande, j’achèterai un steak, parce qu’il n’y a pas d’os dans le bifteck.
Si vous voulez écoutez le texte mis en voix, cliquez ici.