Ma plume était trop lourde, sa pointe toute émoussée, son encre trop salée, je n’ai pas pu écrire avant. Cela fera bientôt quatre mois que tu as congédié les papillons qui habitaient tes rêves, que ton ombre s’est éteinte sur le muret, et que l’or de tes yeux a rejoint celui de la Terre. Depuis le silence a étreint les murs du jardin, le vide s’y est installé.
Je n’étais pas prête, l’est-on jamais ? Ton départ fut donc d’une grande brutalité. Un soulagement pour toi, probablement, puisque ta santé avait soudain fichu le camp, un déchirement pour moi.
Tu avais quatorze ans, six mois, et un jour. C’est un bon âge a dit le véto, pour moi c’est bien trop tôt. Et Toi et moi, c’était ‘seulement’ depuis deux ans, six mois et trois jours. Dans l’absence on fait les comptes, et chaque jour de présence compte. Un temps d’apprivoisement l’une de l’autre lors de la maladie de ton Humain, mon Frère, puis après son départ en voyage vers d’autres éternités. Moi je t’ai adoptée de suite, toi tu as mis plus de temps. Tu as gardé des distances, la mesure était invariablement la tienne ; vautrée sur mon clavier d’ordinateur, sur mon bureau, tes pattes mouillées de pluie sur mes documents de travail ; étalée sur la table, ventre exposé au soleil, pattes en l’air ; couchée sur ma chaise, mon fauteuil… En dépit de la présence de Sieur Bingo, Royal de Gouttière déjà installé dans les lieux et peu aimable avec toi, tu prenais tes aises, mais il n’était pas questions que j’aie quelques ‘familiarités spontanées’. Une main dans ta belle fourrure bleue et blanche, sur ta petite tête ou sur ton ventre, générait systématiquement ou presque des petits cris de mécontentement, souvent suivis de ronronnements intempestifs. Mais parfois, tout de même, tu venais me chercher pour qu’ensemble nous fassions le tour de notre minuscule jardin. J’écris ces mots et je souris à ce souvenir…
Il m’a fallu du temps pour dire cette séparation dramatique. Du temps à te chercher ailleurs, à trier les photos de toi, presque 2 000, à regarder les quelques vidéos que j’avais enregistrées, à me souvenir combien tu étais belle, et combien je t’aime encore. J’ai fini le tri cette semaine, et il est devenu urgent pour moi d’écrire, de te rendre cet hommage, même si, bien sur, tu ne me liras pas puisque tu ne savais pas lire, enfin je ne crois pas. Mais il me plait de croire que, mes mots, tu les sauras, qu’ils feront le chemin de mon esprit au tien. J’ai toujours pour toi un océan de tendresse et je n’ai pas encore apprivoisé ton absence, je t’espère encore, ici ou là, dans la maison, le jardin, sur le toit.
Mais à présent je vais
Tenter de garder la joie,
La joie de t’avoir eu près de moi,
Tu fus un joli trait d’union terrestre
Entre mon Frère et moi,
Aujourd’hui devenu trait d’union stellaire
C’est comme ça que je le vois.
Après avoir rêvé de chasser les papillons, tu es devenue papillon à ton tour, tu as pris ton envol vers les étoiles et je t’espère ronronnant à présent dans les oreilles de mon cher Frère.
Merci pour le temps partagé…
Un bel hommage et beaucoup d’amour dans vos mots…
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Elle me manque toujours…
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Pingback: Vous parler de Providence | La plume de mouette
Quelle triste nouvelle et quel texte émouvant. Je suis très peinée pour vous.
Toujours les amis des chats ont un rêve d’un ailleurs éternel bienheureux pour eux. Espérons ensemble que ce soit bien le cas et que ceux qui nous ont quitté y soient, à jouer ensemble.
Merci pour le partage des photos de cette jolie princesse.
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Merci à vous, merci de vos mots.
J’ai essayé juste après de mettre des mots sur ce départ aux couleurs du chagrin, c’était trop difficile.
Et ne pas dire était difficile aussi, c’était comme la ‘nier’, ‘faire comme si je l’oubliais’.Il me fallait lui rendre hommage, comme j’ai rendu hommage à mon frère après son départ, et je continuerai. C’est en nous que nos disparus continuent à vivre, il m’importe de nourrir le souvenir, un souvenir couleur sourire un jour, je l’espère…
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