Paris Bus Ligne 96

C’est peut-être au Chapelier d’Alice qu’il a volé son couvre-chef, un haut de forme, très haut de forme et très large aussi…

À moins que ce ne soit lui, le fameux Chapelier !

Sous le chapeau, le cheveu est long, raide, et noir, la peau a la couleur du soleil, et l’œil est vif. La chemise, aux manches relevées, est d’un orange clair parsemée de petits motifs bleus. Bien que voyante, elle n’est pas criarde. Un jean coupé à la hauteur du genou montre des effilochures, des jambes bronzées et des pieds nus vissés dans des tennis. Il a la quarantaine et de l’allure, le type qui m’a laissé sa place dans le bus. Je me suis d’abord demandé si j’avais à ce point l’air âgé et fatigué pour qu’il me cède ainsi son siège ? Et puis j’ai décidé que non, que dans la tête sous le chapeau il y avait de la galanterie. Il est resté debout près de la porte centrale pendant quatre stations, puis il est descendu.

Un homme sans âge a pris le relai près de la porte. Les mouvements de l’autobus le font chanceler un peu. Il ne se tient nulle part, il a les mains autrement occupées. De sa poche, il sort un portefeuille, l’ouvre, le porte à son nez, le sent, le respire, le respire fort, le referme, et recommence avant de le ranger dans sa poche. Il le ressort, l’ouvre, et cette fois il fait un signe de croix sur le portefeuille ouvert, avant de l’embrasser à plusieurs reprises. Étrange vénération, intrigante manœuvre…

À la station suivante, il descend.

Paris, scènes de bus, scènes de vie, ligne 96, direction Porte des Lilas…

 

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