… Est ce que, après qu’une goutte de pluie a épousé le sol, elle se met à râler elle aussi parce qu’il pleut ?
Est-ce que, juste après avoir changé de condition, elle oublie d’où elle vient, elle oublie ses racines ?
Se met-elle à rejeter toute goutte qui menace son territoire ?
Quels destins pour les gouttes d’une pluie, d’une vie, d’une vie de pluie ?
Funeste, si le ciel n’est pas clément et fait grise mine. Parce que, après avoir brillé, scintillé en surface, la goutte sera absorbée dans les entrailles de la Terre, pour y être purifiée, de strate en strate. Si elle est exemplaire, si elle fédère et est source d’inspiration, elle refera surface, enfin propre ou presque, ailleurs. Dans un grand rassemblement, une rivière, un fleuve, pour un autre voyage…
Céleste, si elle noue une relation évaporée avec le soleil. 35 degrés suffisent, pas besoin de faire bouillir Dame Goutte pour la séduire sur un bitume chauffé. Deuxième vie assurée, en deux temps trois mouvements. Chute, évaporation, puis, plus long, recherche du bon cumulonimbus pour l’accueillir jusqu’à la prochaine pluie. Elle peut être exigeante, elle veut y être à l’aise, heureuse, comme sur un nuage.
On dit que l’eau que l’on boit aujourd’hui est la même que celle que buvaient les dinosaures, Monsieur Neandertal, Louis XVI et Madame Bovary (chasser l’intrus).
Il en est ainsi parce qu’elle a plusieurs vies.
En perdant la vie, les dinosaures, Monsieur Neandertal, Louis XVI et Madame Bovary ont aussi perdu la mémoire (l’intrus est toujours là). Ça va de pair, c’est pourquoi les vivants entretiennent la Mémoire de ce qui n’est plus.
Mais qu’en est-il des gouttes ?
Est-ce que les gouttes ont de la mémoire ?
Se souviennent-elles…
… De l’air de l’autre monde, celui d’avant les hommes ?
… Du moelleux de la peau de Miss Neandertal ?
… Du parfum de Marie-Antoinette ?
… Ou de l’écho des chûtes joyeuses au ciel de Normandie ?
Ou bien ont-elles préféré oublier…
… L’haleine fétide du Tyrannosaure au moment de se faire laper ?
… Le paillasson rugueux des cheveux de Neandertal Junior ?
…L’invasion de particules très particulières, certes, puisque royales, mais fort opaques et nombreuses, lorsque la Monarchie s’aventurait aux bains, semant ainsi le trouble ?
… Ou encore les larmes de Madame Bovary ?
On ne pourrait les en blâmer…
Mais cela ne répond pas à la question.
Je ne sais toujours ni si les gouttes peuvent souffrir d’un déni de pluie et d’un rejet d’autrui.
Ni si elles ont de la mémoire.
Et si elles n’ont pas de mémoire, ont-elles tout de même conscience d’avoir tant de vies ?
Croient-elles en la réincarnation de leur âme ?
Les gouttes ont-elles une âme ?
Il pleut.
Je me pose des questions.
Cela me préoccupe.
Je ne devrais pas peut-être….
Quand une goutte d’eau de pluie suscite un aussi joli questionnement, elle mérite encore plus mon admiration! Peut-être même jusqu’à oublier que quand elle tombe sur ma joue en décembre, sa beauté et sa perfection ne sont pas ses qualités principales!
bravo Flo! très chouette lecture!
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Merci ! Je n’aime pas trop la pluie, mais parfois elle chuchote à mon oreille….
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