Flavius n’avait pas fermé l’œil de la nuit. En ce matin du 24 aout, le soleil était au bord du monde, prêt à l’inonder de sa bienveillante lumière, quand il entendit Arria rentrer. Il alla la rejoindre dans sa chambre où une servante baillait tout en la défaisant. Flavius congédia cette dernière d’une voix sourde, colère contenue…
Dans l’air, flottait l’odeur de la rose de Paestrum dont se parfumait le Consul Cornelius, une essence précieuse, coûteuse, que Flavius s’offrait parfois et que le Consul pouvait utiliser, lui, tous les jours. Et les nuits aussi…
Son épouse lui faisait face, il se mit à gronder « D’où viens-tu ? Dans quels bras as-tu passé la nuit, trainée ? » Sous l’insulte, les yeux noirs d’Arria se mirent à lancer des éclairs. « Tu sais très bien où j’étais, et tu sais aussi ce qu’il peut t’en coûter de me traiter ainsi ! »
Riche commerçant, Flavius ne pesait cependant pas plus qu’une plume dans la balance du pouvoir. Et il avait besoin de la protection du Consul. Sa femme savait le lui rappeler…
Mais il était trop fatigué, ce matin-là, pour contrôler la colère qui le dévastait, alors il éclata. « Par Jupiter, que Vulcain te foudroie sur le champ pour ta trahison ! »
Soudain, la terre se mit à trembler, le Vésuve, lui non plus, ne contenait plus sa colère et le feu qui brulait en son ventre… Et vint l’explosion. La lumière de l’aube se trouva soudain éteinte par un nuage noir chargé de ponces de phonolite projetées avec une force redoutable.
D’abord pétrifiée, bouche bée, Arria se jeta bientôt aux pieds de Flavius, implorant son pardon pour apaiser les dieux. Elle était ainsi, ventre à terre, quand un morceau du toit s’effondra sous le poids des pierres projetées, et l’écrasa avant de l’ensevelir sous les yeux horrifiés de son époux.
Elle est grande la folie des hommes qui consiste à croire que l’on peut implorer les Dieux et être entendus, exaucés… Et c’est bien la folie qui s’empara de Flavius, pétri de culpabilité au souvenir d’avoir maudit son épouse et d’avoir fait appel aux Dieux de l’Olympe pour la punir…
Il implora en vain, il implora encore, et il pleura beaucoup, des larmes de feu et de cendres…
La colère du Vésuve retentit toute la journée, et une partie de la nuit. Pompéi était recouverte d’une épaisse couche de pierres volcaniques et de gravats, auxquels s’ajoutaient des objets divers que le vent envoyait valser ici ou là.
L’aube naquit dans un calme relatif. Au matin du 25 aout, les quelques survivants abrités dans leur maison, virent à nouveau le soleil surgir du dessous du monde, et la lumière fut à nouveau. Puis elle ne fut plus. Le soulagement avait été de courte durée, puisqu’à présent un nuage de gaz toxiques, suivi d’un nuage de cendre, se chargeait de cueillir les dernières vies. La ville venait de vivre sa toute dernière aurore, sa toute dernière horreur aussi… En ce matin du 25 aout 79, Pompéi n’était plus…
Vous pourrez écouter la version audio sur l’Audioblog d’Arte, en cliquant ici.