Ils avaient repoussé la notion de ‘Frontière’, pris possession de l’univers, une autre mondialisation.
Tout s’achetait, tout se vendait, comme avant mais plus encore. On spéculait sur les planètes, les étoiles, et même les trous noirs, le cosmos à portée de bourse, mais la fleur de cosmos, elle, avait disparu. Les monnaies avaient changé, seul le star-dollar et l’All-yen circulaient, circulaient mal, sur ce point, rien n’avait changé.
Deux mondes s’opposaient, donc, deux mondes seulement, c’était tout ce qui restait. Chacun occupait un hémisphère, ils avaient tout colonisé, troposphère, stratosphère, mésosphère, thermosphère, exosphère, ionosphère et magnétosphère, toute l’atmosphère y était passée.
On était devenu ‘pro’ ou ‘counter’, alternativement, selon la bouche qui parlait, ‘pro’-‘counter’ ou ‘counter’- ‘pro’, ça dépendait.
Le pouvoir se transmettait par élection à un seul bulletin détenu par un seul grand électeur, le président en place. S’il n’était pas conservé, ce bulletin faisait l’objet de tractations sévères, il était vendu au plus offrant.
Sur un hémisphère ou l’autre, on filait droit, on filait doux, parce que les travaux forcés étaient devenus la sentence. Le commun des mortels n’était plus chair à canon mais chair à fusée, à navette spatiale, à catapultage de l’extrême.
Un pas sur le coté et on vous condamnait à l’exploration du monde élargi, cobaye pour Mars ou pour Mercure, Vénus ne chantait plus l’amour, plus personne ne chantait d’ailleurs. Evidemment, de ces régions inhospitalières, personne ne revenait vivant.
Ce que l’on appelait alors ‘sondage’ n’avait plus rien à voir avec une enquête d’opinion, non, nous n’étions d’ailleurs plus autorisés à avoir une opinion. Un sondage permettait de sonder une surface inexplorée, et encore inexploitée parce qu’inexploitable, pour en vérifier les caractéristiques. On envoyait alors des condamnés à mort sur la planète à sonder, ils revenaient, morts bien sûr, et chargés de plein de matières aussi. Ils étaient alors examinés sous toutes les coutures …
Certains pauvres bougres se trouvaient éjectés hors de leur trajectoire programmée, et venaient s’écraser près de nous, éclaboussant l’alentour d’autant de larmes de sang. La pourriture enflait, la puanteur aussi, l’air était devenait irrespirable. Pourtant on respirait encore, allez savoir comment, allez savoir ce qu’étaient devenus nos poumons …
De notre corps, nous ne savions plus rien. La procréation n’était plus qu’assistée. Nous naissions bébés éprouvettes et n’éprouvions plus rien. Les mots ‘père’, ‘mère’, avaient le même statut que le mot ‘dinosaure’, ils nous parlaient de préhistoire … ‘Tendresse’, ‘Amour’, étaient devenus des jeux, des jeux où l’on gagnait des jetons, et pour en gagner il fallait tuer le plus d’adversaires possibles.
A notre naissance, à notre sortie du tube donc, on nous recouvrait d’une seconde peau, électronique, à température constante de 15 degrés, truffée de capteurs qui disaient tout de nous, variations de température interne, émotions, besoins élémentaires, tout était transmis à des ordinateurs centraux. Ainsi, lorsque la maladie nous atteignait et s’avérait incurable, on venait nous chercher pour rejoindre les chaudières gigantesques qui alimentaient les villes en énergie. Ainsi, par la mort nous transmettions de l’énergie aux encore vivants.
***
Quand un morceau de météorite frappa FG-336-89-8-0, elle s’effondra et sa peau électronique se trouva déchirée par un angle saillant. Son torse était nu.
Je m’approchais d’elle, pour tenter de la secourir. Le quartier général m’ordonnait, dans mon oreillette, de la laisser au sol, elle était fichue, me disait-on, on allait venir la chercher pour l’emmener aux fourneaux. Elle était belle, j’avais déjà repéré la finesse de son visage lors de travaux effectués ensemble. Par la déchirure de son e.peau, je perçus la blancheur et la finesse de sa peau naturelle. Je ressentis alors une chaleur étrange à l’intérieur de mon être. Je m’enhardis à passer une main, doucement, entre les deux peaux. La sienne était douce, et je fus surpris de constater qu’elle était chaude. Sous la caresse de ma main, elle palpitait …
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Demain… L’horreur en marche. c’est prenant ! Bravo !
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Merci Jean Marie, c’était un atelier, sur ipage, et l’horreur sous la pointe de la plume, oui…
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